Chers amis,

En termes « protocolaires », la tradition gastronomique française est claire. Un long repas de famille réussi, c’est :

  • d’abord une entrée (pâté en croute, rillettes, œufs mayo…),
  • puis un bon plat avec son verre de rouge,
  • un plateau de fromages avec les incontournables camembert et roquefort,
  • et enfin un dessert, pourquoi pas des profiteroles, une tarte tatin, une île flottante.

A quoi on ajoutera éventuellement, pour faire durer le plaisir, un apéritif avant avec biscuits apéritifs ou petits fours salés, un café avec son chocolat puis un petit digestif après.

N’ayez pas peur, je ne suis pas en train de vous culpabiliser à l’avance.

Au contraire, je voulais vous donner quelques conseils de nutrition méconnus qui vous permettront temporairement…

…de profiter avec allégresse les « grandes bouffes » de fin d’année, avant de repenser à une meilleure alimentation l’heure des bonnes résolutions 2021 !

Voici ces conseils :

  • l’ordre dans lequel vous mangez vos aliments au cours d’un repas est important.
  • l’heure à laquelle vous mangez tel ou tel type d’aliment a un rôle crucial sur votre glycémie et votre capacité à les assimiler.

La chrononutrition c’est cela : mieux manger en composant votre menu à l’échelle de la journée et non au cours d’un même repas.

Mangez au bon moment, en accord avec votre horloge biologique

Leprincipe est donc de manger de tout, mais en accord avec certains rythmes biologiques naturels de votre corps.

Cette méthode a pour but de vous apporter ce dont vous avez besoin au moment précis où vous en avez besoin, en fonction notamment de vos sécrétions hormonales.

Selon le précurseur de la chrononutrition, Alain Delabos, l’organisme sécrète tout au long de la journée, de manière organisée et rythmée, des enzymes et des hormones destinées à assimiler tel ou tel type d’aliments.

Certains fonctionnements métaboliques débutent le matin (comme la synthèse du cholestérol) puis s’arrêtent, certaines sécrétions sont rythmiques (comme l’insuline)…

Selon les « chrono-nutritionnistes », l’idéal serait de vous alimenter en suivant le cycle du cortisol.

Cette hormone est en charge de la régulation du métabolisme nutritionnel, et évolue par vagues, démarrant dès la fin du sommeil, puis se manifestant toutes les quatre à six heures.

Selon Alain Delabos et ses successeurs, si vous mangez des aliments au moment où votre corps n’en a pas besoin, comme des pâtes au dîner par exemple, il va mal les assimiler et va les stocker sous forme de graisses.

Cette approche a été validée scientifiquement, depuis, par le Pr Jean-Robert Rapin, pharmacologue, chercheur et expert en micronutrition[1].

Le menu idéal se fait sur toute la journée

En chrononutrition, c’est un peu comme si vous deviez composer votre menu sur la journée.

On y mange étonnamment le fromage dès le matin… en entrée :

  • Le matin, en ENTRÉE… du fromage. Votre organisme commence la journée par une sécrétion de lipase, une enzyme produite par le pancréas, qui aide à digérer les graisses[2].
    Ce serait le moment idéal pour faire le plein d’acides gras saturés pour emmagasiner de l’énergie, en mangeant du pain complet avec du beurre, des œufs, et du fromage et d’éviter les aliments trop sucrés comme la confiture. En lui apportant ses bons gras associés à des céréales complètes le matin, votre organisme ne stockerait pas la graisse, disposerait d’énergie pour la journée, et éviterait le déclenchement de la sécrétion d’insuline, responsable de fringales de sucre.
  • PLAT, à midi, votre corps est dans une phase hormonale qui favorise la sécrétion de protéases et d’amylases qui vous permettent de mieux digérer les protéines. La chrononutrition recommande de manger des viandes, blanches de préférence, avec des féculents. Si vous êtes végétarien(ne), vous pouvez bien sûr consommer des protéines végétales (légumineuses, oléagineux, céréales complètes…)[3] à la place.
  • Dessert, au goûter, entre 17h et 18h30, les sucres rapides seraient les mieux assimilés par l’organisme, en raison de l’activité importante de l’insuline[4] et de la sécrétion de sérotonine. Ce serait le moment idéal pour donner un peu d’énergie au corps avec un petit encas sucré, comme des fruits frais ou secs, ou un carré de chocolat.
  • Poisson en option, le soir, votre corps secrète peu d’enzymes digestives, et assimilerait donc moins bien les nutriments. Il faudrait idéalement manger léger : les chrononutritionnistes recommandent de faire le plein d’oméga-3 en mangeant du poisson gras (saumon, maquereaux, sardines, anchois…) accompagnés de légumes à volonté, mais sans dessert sucré[5].
    Si vous êtes végétarien, vous pouvez utiliser des huiles végétales de noix, de chanvre ou de colza, en salades ou en cuisine, pour vous alimenter en oméga-3.

Pour résumer, il faut bien suivre à la lettre le proverbe :

  • « petit-déjeuner de roi », en mangeant gras le matin,
  • « déjeuner de prince », en mangeant dense à midi,
  • prendre un goûter sucré,
  • enfin « dîner comme un mendiant »…

Dans quel ordre manger votre repas ?

Ce n’est pas tout. Au cours d’un même repas aussi, manger vos aliments dans un certain ordre a une influence directe sur votre glycémie et votre capacité à absorber les nutriments.

Votre glycémie est le taux de sucre que vous avez dans le sang à un instant donné.

Il faut éviter que ce taux de sucre aille trop bas – c’est l’hypoglycémie, qui peut causer fatigue, nervosité, étourdissements, palpitations… – ou trop haut – c’est l’hyperglycémie, qui peut à la longue abîmer vos artères[6] et vous expose à des risques de diabète et de surpoids[7].

Au cours d’un même repas, manger vos sources de glucides en premier fait monter bien plus haut votre glycémie que si vous mangez d’abord vos légumes ou vos sources de protéines (viande, poisson, œufs, produits laitiers, légumineuses, noix, graines, céréales…).

C’est ce qu’affirme une étude remarquée publiée dans la revue Diabetes Care[8].

Les chercheurs de ont montré que, même 120 minutes après le repas, la glycémie des participants ayant commencé par les légumes et les protéines était toujours plus basse que ceux ayant commencé par les glucides.

1- Légumes 2- Protéines et lipides 3- Glucides

Pour éviter de faire monter en flèche votre glycémie et limiter le stockage des aliments sous forme de graisse, il faudrait, selon la chrononutrition, suivre cet ordre :

  1. Manger toujours les légumes en premier. Peu caloriques, les légumes sont riches en fibres. Ces fibres aident à ralentir l’absorption du glucose et donc son passage dans le sang. En les mangeant en premier, vous créeriez une sorte de « filet » dans votre estomac, qui régulera l’augmentation de votre taux de sucre sanguin.
  2. Poursuivre avec les protéines et les lipides. Vous pouvez ensuite attaquer la viande, le tofu, les œufs, les légumineuses, etc. Avant de consommer les aliments les plus riches en graisses de votre repas.
  3. Finir par les pâtes, pain, riz, semoule, pommes de terre, riches en Les féculents et autres aliments riches en sucres, seraient à réserver pour la fin du repas, car ce sont eux qui ont le plus d’effet sur votre glycémie. Il y aurait donc bien une logique à terminer nos repas par le dessert. Une fois que le « filet » de fibre et de protéines est mis en place, les sucres passeront bien moins vite dans votre sang, révèlent les chercheurs.

Vous éviterez ainsi les « chocs glycémiques » et « pics d’insuline » mauvais pour votre santé, vous assimilerez mieux les aliments et vous bénéficierez d’énergie plus longtemps.

Passons maintenant au dessert.

Dessert : réduisez le choc glycémique

Vous vous en doutez, les desserts sont presque tous trop sucrés.

Ne vous privez pas de votre bûche de Noël. Mais pour votre santé le dessert devrait idéalement rester une « exception plaisir » et un non un rituel de chaque repas. Deux à trois desserts par semaine devraient être un maximum.

Voici quelques astuces méconnues qui peuvent vous aider à réduire, sur ces mêmes desserts, l’impact sur la glycémie de votre dessert :

  • Si vous le faites vous-même, utilisez autant que possible, pour sucrer vos desserts, le sucre naturel des fruits frais. Sinon, remplacez le sucre blanc par des substituts comme le sirop d’agave, les sucres de bouleau (xylitol), de coco ou de canne complets, mais toujours dans les proportions faibles.
  • Ajoutez-y des noix, des noisettes, des pistaches ou des amandes. Une étude[9] a montré que les protéines contenues dans les oléagineux ralentissaient l’absorption du glucose et contrôlaient les pics d’insuline de votre organisme. D’autant plus que la présence de fibres dans ces fruits à coque fait également décroître la glycémie.
  • Certains aliments connus pour faire baisser la glycérie se marient très bien avec les saveurs sucrées, on peut citer la cannellele gingembrele thé vert et des fruits comme la pommela myrtille ou le citron. Accompagner votre dessert d’un thé vert au gingembre et à la cannelle permet de faire baisser les niveaux de glucose après un repas[10].
  • Si vous faites un gâteau ou une tarte, vous pouvez utiliser des alternatives à la farine blanche à index glycémique bas comme de la poudre d’amande, de la farine de soja, de coco, de lentilles

Devez-vous éviter de « finir sur un fruit » ?

Les naturopathes conseillent souvent de manger les fruits hors des repas pour une digestion optimale. Une heure avant le repas ou quatre heures après, consommé seul.

Selon eux, le fruit est beaucoup plus facile et à digérer que le reste d’un repas « classique ».

Si vous le mangez hors d’un repas, il ne va faire que traverser très rapidement l’estomac pour être digérer dans l’intestin.

Mais les aliments plus denses et complexes pris pendant le repas, comme les légumes, les céréales ou la viande sont eux « pré-digérés » dans un premier temps dans l’estomac.

Si vous mangez un fruit en fin de repas, le fruit va rester bloqué plusieurs heures dans l’estomac en attendant que le reste du bol alimentaire continue sa digestion.

Et comme le fruit n’est pas censé rester dans l’estomac aussi longtemps, il se mettrait à fermenter, secrétant du sucre et un peu d’alcool, troublant ainsi votre digestion[11].

Tous les nutritionnistes ne sont pas d’accord avec cette affirmation. Certains mettent en avant que l’estomac serait quasiment stérile, et qu’en l’absence de bactéries, la fermentation serait impossible[12][13]…

Je ne suis pas en mesure de trancher ; mais il est avéré que de nombreuses personnes sujettes à des problèmes de digestion constatent une amélioration en mangeant leurs fruits à distance des repas.

En résumé si vous avez l’habitude de finir votre repas par un fruit et que votre digestion est bonne, continuez.

Mais si votre système digestif se montre régulièrement capricieux, je vous recommande d’essayer de les consommer à distance des repas.

Le café : oui, mais

On accuse le café de tous les maux parce qu’il exciterait, énerverait, empêcherait de dormir, accélèrerait le cœur…

Le café fait partie, avec les œufs, de ces aliments de consommation courante qui provoque de vifs débats entre les chercheurs depuis des décennies.

En réalité, le premier critère… c’est vous.

Etudiez-vous. Et si le café ne vous met pas dans un état de tachycardie, ne provoque pas chez vous d’addiction (pouvez-vous arrêter le café une journée sans souffrir de maux de tête ?), ne vous empêche pas de dormir, alors vous n’avez aucune raison d’arrêter.

Car consommé avec modération (jamais plus de 4 tasses par jour, jamais après 16h), le café serait même bon pour la santé.

C’est la conclusion de chercheurs de l’Université d’Ulster qui ont compilé les données des 1277 études sérieuses sur le café, réalisées entre 1970 jusqu’à aujourd’hui [14] : « L’effet bienfaisant ou neutre d’une consommation modérée de café chez un adulte dépasse clairement les risques  pour la majorité des problèmes de santé », que ce soit la mortalité, les maladies cardiovasculaires, le cancer, les problèmes de foie, les problèmes neurologiques, ou les problèmes de métabolisme (digestion, diabète, obésité).

En fait, le problème principal avec le café, comme avec le thé d’ailleurs, c’est qu’il réduit l’absorption du fer.

Si vous buvez du café à la fin d’un repas où vous avez mangé un steak, cela en réduirait l’absorption du fer de 39% [15].

Et si vous mangez végétarien, l’effet anti-fer du café est encore pire. Le fer contenu dans les végétaux étant moins stable, le café réduirait l’absorption du fer de 60 à 90%[16].

Mais si vous veillez à prendre votre café en dehors des repas, le café n’a pas d’effet sur l’absorption du fer[17].

Buvez donc votre café sans scrupules, mais de préférence au moins une heure avant les repas, et idéalement, un bon café-filtre bio, torréfié artisanalement, et en évitant la crème, le sucre, et le lait.

Si vous en prenez le matin, buvez-le toujours après votre petit-déjeuner. Car boire votre café à jeun :

  • Augmenterait les risques d’AVC, de diabète et de maladies cardiovasculaires, selon une étude parue le mois dernier [18].
  • Pourrait vous causer des troubles gastriques : ballonnements, brûlures d’estomac, gastrites, inflammation de la muqueuse de l’estomac…

Pour ce qui est de l’effet excitant du café, sachez que nous réagissons tous différemment à la caféine.

Pour ma part je n’en bois plus qu’à titre exceptionnel, et l’ai avantageusement remplacé par du thé matcha, qui a pour mérites, entre autres, de maintenant ma vigilance beaucoup plus durablement, sans produire d’excitation. C’est même un anti-stress !

Non, le digestif n’aide pas vraiment à digérer

Enfin les digestifs.

Dans ma famille, la tradition du « trou normand » est bien établie : lors de longs et copieux repas de retrouvailles, les plus anciens ont coutume de boire un petit verre de calvados entre deux plats.

C’est censé aider à la digestion et « faire de la place » pour la suite.

Chez mes voisins, c’est à la toute fin du repas, une fois le café bu, qu’on fait toujours un « canard ».

On place la cuillère en travers de la tasse, on met un morceau de sucre dessus, puis on verse de l’eau de vie dessus jusqu’à ce qu’il fonde.

Cela me fait mal au cœur de le reconnaître, mais cette tradition exquise de l’alcool fort pris pendant ou en fin de repas, n’accélère pas du tout l’évacuation de l’estomac.

Au contraire, le digestif allonge le temps de vidange gastrique.

Il y a une raison au « trou normand » cependant : l’alcool fort occulte la sensation de satiété, comme un anesthésiant, ce qui permet de poursuivre le repas[19] en mangeant au-delà des besoins réels de notre corps.

A réserver uniquement pour les repas festifs donc… !

Pour ce qui est du verre de vin rouge pendant le repas, cela reste tout à fait recommandé tant que vous n’en abusez pas, en raison du resvératrol qu’il contient, un puissant antioxydant.

Je vous reparlerai d’ailleurs du resvératrol dans une prochaine lettre.

Je terminer cette lettre par ceci : vous avez le droit, peut-être même le devoir, de vous faire plaisir.

Un bon repas partagé en famille pour les fêtes de fin d’année, même un peu trop riche ou trop gras, c’est selon moi l’un des meilleurs secrets de santé qui soient.

Dans de tels repas, on est au-delà de la nourriture : il est surtout question de liens sociaux et familiaux, du plaisir éprouvé à partager des moments rares avec des gens que l’on aime.

La chrononutrition, qui me semble à appliquer sans réserve, vous « offre » 2 repas « jokers » par semaine sans conséquences sur votre santé.

Profitez-en lors des fêtes qui approchent et changez vos habitudes après !

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] Jean-Robert Rapin et Jean-René Mestre, « Faites de l’aliment votre médicament – Chronobiologie du corps et de la peau », TIME Nutrition Ed., 2012.

[2] http://stimulme.com/manger-fromage-matin-avis-chrononutrition/

[3] https://www.bio-infos-sante.fr/la-chrono-nutrition-pour-les-vegetariens/

[4] https://suisse-nutritionniste.ch/fr/regles-dor/

[5] https://www.bio-infos-sante.fr/la-chrono-nutrition-pour-les-vegetariens/

[6] https://sante.lefigaro.fr/article/comment-le-sucre-en-exces-abime-le-coeur/

[7] https://sosoir.lesoir.be/cinq-signes-qui-indiquent-que-vous-mangez-trop-de-sucre

[8] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4876745/

[9] Angela Karamanlis et al., Am. J. Clin. Nutr., 2007, doi : 10.1093/ajcn/86.5.1364.

[10] Firas Sultan Azzeh, Pakistan Journal of Biological Sciences, 2013, doi : 10.3923/pjbs.2013.74.79.

[11] https://www.lepalaissavant.fr/manger-selon-la-naturopathie-les-associations-alimentaires/

[12] https://www.lanutrition.fr/loeil-de-thierry-souccar/faut-il-manger-les-fruits-en-dehors-des-repas-

[13] https://www.nutriting.com/idees-recues/faut-il-manger-les-fruits-avant-ou-apres-le-repas/?v=1ee0bf89c5d1

[14] . L. Kirsty Pourshahidi, Luciano Navarini, Marino Petracco, J.J. Strain. A Comprehensive Overview of the Risks and Benefits of Coffee Consumption. Comprehensive Reviews in Food Science and Food Safety, 2016; 15 (4): 671 DOI: 10.1111/1541-4337.12206

[15] Morck TA, Lynch SR, Cook JD. Inhibition of food iron absorption by coffee. Am J Clin Nutr. 1983 Mar;37(3):416-20. doi: 10.1093/ajcn/37.3.416. PMID: 6402915, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6402915/

[16] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10999016/

[17] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9537620/

[18] https://www.ledauphine.com/magazine-sante/2020/10/17/le-cafe-a-jeun-augmenterait-le-risque-d-avc-diabete-et-maladies-cardiovasculaires

[19] https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=vrai-faux-digestion-l-alcool-facilite-la-digestion-les-digestifs-et-le-fameux-trou-normand-