Elle a créé une bibliothèque toute seule à 75 ans

Chers amis,

Ikigaï a beau être un mot japonais, c’est un principe universel.

Vous le savez maintenant, il exprime le sens que nous donnons à notre vie et le projet concret qui en découle.

L’Ikigaï sommeille en chacun de nous, et ne demande qu’à être révélé, à s’épanouir.

Depuis que je suis revenu d’Okinawa, je rencontre, ici en France, des personnes qui ont trouvé leur Ikigaï

Même s’ils n’ont jamais entendu ce mot auparavant !

C’est le cas de la sœur aînée de ma mère, ma tante Édith.

La voici :

La bibliothèque devant laquelle elle pose, c’est celle du tout petit village du Tarn où elle habite, Le Fraysse.

Mais surtout cette bibliothèque c’est son Ikigaï.

Ce qui fait durer ma tante

Ma tante Édith a 75 ans. Elle n’a pas eu une vie toujours facile, loin de là.

J’ai passé tous les étés de mon enfance avec elle, dans ce petit village du Tarn, et je peux témoigner du fait qu’Edith ne baisse jamais les bras.

Elle est diabétique de type 1 depuis l’âge de 28 ans. Elle a eu, et a encore, d’autres soucis de santé assez importants. Son mari, mon oncle, est décédé il y a plus de dix ans. Elle est à la retraite depuis de nombreuses années et vit seule.

Mais elle a un agenda de ministre et se lance toujours dans des projets qui sembleraient impossibles à des gens plus jeunes et en meilleure forme !

La bibliothèque qu’elle a créée n’est que le dernier exemple en date.

Le Fraysse compte 70 habitants. L’ensemble de la commune, avec des hameaux parfois très éloignés, totalise 400 habitants.

C’est un village « désertifié », comme beaucoup d’autres dans nos campagnes. Quand j’y venais, enfant, il y avait encore une épicerie, un café…

Il n’y a plus rien de tout cela depuis des années. Même l’église du village reste désormais porte close le dimanche.

Alors, il y a trois ans, ma tante Edith a voulu créer un lieu où les gens pourraient se rencontrer, partager, être ensemble : une bibliothèque.

Elle a fait une bibliothèque toute seule

Édith avait la matière première indispensable pour une bibliothèque : des livres.

Il s’agissait de ses livres (elle en avait des centaines). Elle s’est dit qu’elle ne les relirait jamais tous, toute seule.  Et c’est tout ce qu’elle avait pour commencer.

Elle a franchi différentes étapes pour donner vie à son projet.

D’abord, elle a reçu l’autorisation de la mairie d’investir l’ancien appartement du curé dans le presbytère, à l’abandon depuis des années…

Ça ressemblait à ça :

Seule, elle a tout nettoyé et rangé. Il y avait des trous dans les murs, des toiles d’araignée partout… Des bêtes s’étaient installées… Elle a même refait elle-même la peinture.

Et là, la sauce a commencé à prendre.

Elle a reçu l’aide de deux amis du village, qui ont installé des toilettes dans le bâtiment.

Une famille de voisins lui a fait un don de livres… il y en a maintenant plus de 4000.

La mairie a fait faire deux étagères par un menuisier d’un village voisin, et a financé à hauteur de 100 euros l’achat de matériel pour couvrir et étiqueter les livres…

Ma tante a enchaîné les visites pour parler de son projet et faire participer le plus de monde possible ; elle a convaincu le directeur de l’agence bancaire locale de subventionner son projet : 800 euros.

C’est l’histoire de la petite poule rousse (mais la fin est différente)

Il restait encore un travail considérable à faire, un travail de fourmi, ingrat.

Elle a couvert, étiqueté, classé, rangé, 4870 livres toute seule… Comme la petite poule rousse qui préparait son pain toute seule dans le conte de notre enfance.

Des romans policiers, du théâtre, de la littérature de gare… Ma tante couvre, étiquette et range tout, toute seule !

Mais contrairement à la poule rousse, ça n’est pas pour elle qu’elle a accompli ce travail, c’est pour le village. Pour favoriser la lecture, les rencontres, la convivialité…

La bibliothèque a ouvert en mai 2017, deux ans après que ma tante se soit lancée dans cette aventure. L’inscription est gratuite pour les habitants du Fraysse…

Les villageois peuvent y aller le mercredi après-midi et le samedi matin. C’est ma tante, toute seule, qui fait tourner la boutique… Elle offre aux lecteurs et aux visiteurs un thé ou un café. Et il y a même des jeux pour les enfants !

Aujourd’hui, ma tante compte plus de 50 inscrits à cette bibliothèque…

Il lui reste encore toutes ces piles de livres à traiter :

Soit encore 500 livres à couvrir, étiqueter, classer… Sans compter les futurs dons…

Soit encore 500 livres à couvrir, étiqueter, classer… Sans compter les futurs dons…

L’Ikigaï, cette ambition de vivre longtemps, pour soi et pour les autres

Lors des quelques jours que j’ai passés chez Edith cet été, j’ai été impressionné par le temps et l’énergie qu’elle a déployés pour réaliser son rêve, tourné vers les autres.

Impressionné… mais pas surpris.

Ma tante incarne ce que peut être l’Ikigaï chez nous. Et donc pour vous aussi.

Et je crois sincèrement que c’est ce qui la fait tenir, y compris ce qui l’a aidée à traverser les épreuves difficiles de la vie (de santé notamment), avec son sourire.

Aujourd’hui Edith est bien plus en forme que la plupart de ses cinq frères et sœurs, pourtant plus jeunes qu’elle…

Je termine cette histoire par une question pour vous : avez-vous, dans votre entourage, quelqu’un de capable de déplacer, comme ma tante, de petites montagnes, à l’échelle d’un village, d’une entreprise, d’une famille ? Etes-vous, vous-même, capable de le faire et aimeriez-vous en être capable ?

A très vite,

Rodolphe