La comtesse n’en était pas une : son compte est bon
Chers amis,
J’ai lu le week-end dernier une info à laquelle je n’aurais jamais prêté attention si je n’avais pas eu un moment d’oisiveté et un café brûlant entre les mains : la comtesse Natacha Roumiantzoff-Pachkevitch et l’archiduc Alexandre d’Autriche divorcent.
À dire vrai, j’ignorais que la comtesse Natacha Roumiantzoff-Pachkevitch et l’archiduc Alexander d’Autriche étaient mariés.
Et pour être honnête jusqu’au bout… j’ignorais même l’existence de la comtesse Natacha Roumiantzoff-Pachkevitch et de l’archiduc Alexander d’Autriche !
La chronique mondaine des têtes couronnées ne m’intéresse guère, d’ordinaire. Une chose m’a pourtant frappé dans l’annonce de ce divorce : c’est la raison annoncée du divorce.
Tromperie sur le certificat d’authenticité nobiliaire
Un archiduc d’Autriche ! Une comtesse russe ! En 2025 !
La seule mention de leurs titres fait figure de voyage dans le passé.
Il ne manquait plus que la mention d’un empereur quelconque (mais on y était presque, vous allez voir), Napoléon ou François-Joseph, et le tableau (avec des personnages en bas de soie) était complet.
L’archiduc, donc, s’était marié à une comtesse – Natacha Roumiantzoff-Pachkevitch, un nom qui semble tiré d’un roman de Tolstoï. Le mariage a eu lieu en 2023, en Belgique ; et la reine Mathilde de Belgique elle-même était à la noce.
Raison pour laquelle, semble-t-il, l’évènement a été couvert par la presse people belge.
Or il s’avère que ladite comtesse… ne l’était pas. Ou en tout cas pas vraiment. Disons que son grand-père, apparemment, aurait pris quelques libertés avec la généalogie, d’après le titre de presse belge 7 sur 7[1].
Résultat : annulation du mariage. Motif ? Tromperie sur le certificat d’authenticité nobiliaire.
L’archiduc Alexander d’Autriche aurait donc demandé le divorce après avoir découvert que son épouse, Natacha Roumiantzoff-Pachkevitch, ne détenait pas réellement le titre de comtesse qu’elle revendiquait.
Selon la presse belge, elle n’aurait pas intentionnellement menti, mais son titre aurait été usurpé par son grand-père, réfugié russe en France durant la Première Guerre mondiale. Le comte Roumantzioff n’en serait pas un, et sa fille ne serait donc pas davantage une comtesse que moi.
Ce malentendu sur son statut nobiliaire aurait été jugé suffisant pour annuler le mariage.
Archiduc et archidéçu
J’emploie, par prudence, le conditionnel dans cette histoire, car je reprends les informations de la presse – et, je le reconnais, d’une presse que je ne lis pas d’habitude.
Je précise d’ailleurs que le comte Roumiantzoff (le père de la mariée-divorcée) a publié dans Point de vue un « droit de réponse », dénonçant de « fausses allégations », et disant, en substance : « si, si, je suis bien comte ! »[2].
Mais là n’est pas mon propos.
Comme tout un chacun, je ne suis pas au courant des secrets d’alcôve – et de baldaquin – des couples mariés, nobles ou non. Il est impossible, et de toute façon inélégant, de rentrer dans l’intimité d’un couple pour en raconter l’échec.
Ce qui m’a frappé, dans cette histoire, c’est la démonstration qu’au XXIème siècle un titre de noblesse peut se monnayer, servir de gage et même faire office de bague au doigt.
Et qu’une « tromperie », non pas en termes d’infidélité, mais en termes de revendication de titre nobiliaire, peut effectivement ruiner un mariage.
Ici je m’interroge : si usurpation de titre de noblesse il y a, elle n’est de toute façon pas le fait de Natacha (ah c’est terrible, j’ai vraiment le sentiment de résumer un roman de Tolstoï !) : Natacha « paierait », ce faisant, une falsification présumée de son grand-père.
Peut-on répudier sa femme – ou son mari – parce qu’il ou elle ne détiendrait pas vraiment le « titre » de noblesse affiché ?
La comtesse n’en était (peut-être) pas une : autrement dit, elle n’était qu’une gueuse ! Une roturière ! Cela suffit-il à la renvoyer dans ses foyers de basse extraction ?
Cette situation paraît faire peu de cas de la personne humaine, dont la valeur, et l’identité, se réduirait à un certificat d’authenticité, comme un sac Louis Vuitton ou une Rolex.
En somme, en répudiant son épouse parce que son titre de comtesse serait usurpé, l’archiduc Alexander aurait démontré qu’il n’a lui-même de noble que le titre.
La comtesse et le conte de fée
Les contes de fée sont pourtant pleins d’histoires où un prince, ou un roi, célèbre ses épousailles avec une fille du peuple, voire une souillon – prenez Cendrillon !
Le « narratif » contemporain des têtes couronnées entretient et perpétue cet imaginaire et ces codes. La reine d’Angleterre a anobli Kate Middleton et Meghan Markle lorsqu’elles ont respectivement épousé les princes William et Harry.
Cet anoblissement était, je le suppose, un geste fort de bienvenue dans la famille des Windsor adressé par feu la Reine aux deux jeunes mariées venues « du peuple ».
A contrario, on peut voir dans cet anoblissement de circonstance un attachement presque désespéré à une hiérarchie sociale désormais essentiellement folklorique.
Mais le fait est que cet attachement à la noblesse, à une généalogie n’ayant plus aucun rapport avec le mérite personnel de l’individu, n’est pas uniquement le fait des personnes portant elles-mêmes ces titres : les salles d’attente des salons de coiffure, le succès de Stéphane Bern comme journaliste des fastes royaux et aristocratiques, témoignent d’une fascination persistante du tout-venant pour ces titres.
Pourquoi les grands titres font toujours les gros titres
Pourquoi tient-on tant à ces titres, encore aujourd’hui ?
Il suffit de voir les manchettes des journaux people : le sang bleu, les noms à particules, continuent à faire les gros titres, aux côtés des vedettes de la télévision, de la chanson et du cinéma.
Sauf qu’à l’inverse de ces dernières, qui sont des personnalités de spectacle et qui ont « acquis » leur notoriété, les têtes couronnées ou portant des titres ronflants se sont contentées, pour reprendre une formule célèbre, d’être bien nées. Et plus tôt encore, même : les rejetons des princes Harry et William étaient déjà célèbres in utero !…
Pour le reste, à quoi servent-ils, aujourd’hui, ces titres de marquis, de baronnes, de ducs ou d’archiducs, sinon à entretenir un imaginaire qui n’a plus que des façades de château pour décors ?
Pourquoi les descendants de dynasties déchues persistent-ils à signer des documents avec leurs titres, comme s’ils régnaient encore sur des terres, présidaient aux destinées de peuples, commandaient des bataillons ?
Les titres d’autrefois ont depuis longtemps cessé d’être des charges et des responsabilités.
Autrefois, on gagnait un titre de noblesse les armes à la main, après avoir montré sa bravoure, et/ou pour avoir rendu service à l’État, au royaume.
C’était un honneur, une récompense, mais aussi une responsabilité.
Aujourd’hui, ces titres ne sont guère plus que des marques. Comme les logos d’une maison de luxe : inutiles au quotidien, mais objets de désir, de distinction.
L’article de 7 sur 7 que j’ai partagé avec vous plus haut illustre à merveille cette dérive :
« Le couple semblait mener une vie insouciante en Suisse : un château sur le lac Léman, un compte bancaire bien garni, des emplois bien rémunérés. Alexander occupe un poste de direction dans une banque privée et Natacha est organisatrice d’événements glamour. Après son mariage, elle prend le très prestigieux nom de famille de son mari pour devenir Natacha Habsburg. Un titre qui était mis en valeur auprès de ses clients, comme la marque de produits de luxe Bvlgari et la maison de champagne Ruinart. »
Objets de luxe et donc, aussi, de tromperie.
Nostalgie d’un ordre ancien ?
Il y a à mes yeux, dans cette fascination persistante, surtout en Europe, pour les vestiges d’un ordre ancien, un mystère.
Comme si l’odeur de la poudre (celle à canon, et celle à maquillage) et des bals impériaux persistait dans les esprits, même un ou deux siècles après les révolutions.
À bien y réfléchir, peut-être que ces titres continuent à fasciner parce qu’ils restent des repères sociaux.
Lorsque je me penche sur l’histoire du Premier Empire en France, je reste toujours interloqué par la précipitation avec laquelle la France, juste après avoir coupé la tête à la moitié de sa noblesse « de souche » dans un grand élan égalitaire et révolutionnaire, a troqué son roi contre un empereur, lequel s’est empressé de reconstituer une noblesse – de nouveau fondée sur le mérite, cependant.
Voilà plus d’un siècle et demi que nous sommes officiellement, en France, en République, mais notre Président occupe toujours un palais royal, a les attributs et les pouvoirs d’un monarque, et en fait volontiers étalage. Mardi dernier, il a consenti à s’adresser à son peuple devant un « échantillon représentatif de la population » à la TV.
Il demeure donc, chez nous, une fascination pour la noblesse et le monarchique ; et que dire de l’Espagne, de l’Angleterre, de la Belgique ou des Pays-Bas, qui continuent à frapper leur monnaie à l’effigie de leurs rois respectifs !
Dans un monde devenu flou, mouvant, où les identités se font et se défont au gré des réseaux sociaux, il y a une étrange sécurité à se dire qu’un « archiduc » reste un archiduc, qu’une « comtesse » se reconnaît à son port altier (ou à son compte Instagram) et que la fonction de roi ou de reine se transmet par le sang.
Parfaitement daté et anti-méritocratique, mais rassurant.
Mais ce que l’affaire d’Alexander d’Autriche et de sa simili-comtesse montre, c’est que ce théâtre s’effondre dès qu’on regarde les coulisses.
Car l’archiduc autrichien n’a pas de duché.
La comtesse russe n’a pas de comté.
Et leur union n’était qu’une ombre portée d’une époque où l’amour, aussi, devait être validé par la généalogie.
A ce titre, je suis bien content de n’être que roturier. Et vous ?
Portez-vous bien,
Rodolphe
P.-S. : sur le compte YouTube d’Alternatif Bien-Être, une vidéo a récemment dépassé les 100 000 vues et accumule plus de 200 commentaires laudatifs ; si vous ne l’avez pas encore regardée, elle s’intitule « le secret d’un corps souple et jeune » et vous pouvez la regarder gratuitement en cliquant sur ce lien.
[1] https://www.7sur7.be/monarchies/elle-se-disait-comtesse-mais-cetait-faux-larchiduc-alexander-dautriche-rompt-avec-sa-femme~a9d3dbc3/ – Wim Dehandschutter, « Elle se disait comtesse mais c’était faux : l’Archiduc Alexander d’Autriche rompt avec sa femme », in. 7 sur 7, 9 mai 2025
[2] https://www.pointdevue.fr/royal/couronnes-du-monde/droit-de-reponse-du-comte-roumiantzoff – Come Roumiantzoff, « Droit de réponse du comte Roumantzioff », in. Point de vue, 12 mai 2025
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Quand je pense France, je pense rois et reines et chateaux Puisque je vous trouve taant de class e
vous l’avez peut-etre emprunte comme descendants de ces nobles qui etaient peeut-etrre
de « vrais nobles » Je vous aime! Didi Le commentaire d’avant n’a pas ete envoye. Merci
Quand je pense France, je pense rois et reines et chateaux Puisque je vous trouve taant de class e
vous l’avez peut-etre emprunte comme descendants de ces nobles qui etaient peeut-etrre
de « vrais nobles » Je vous aime! Didi
Entièrement d’accord avec vous. S’il est vrai que bien des nobles d’antan devaient leur titre à des prouesses ou des services au pays, ce qu’il en reste est une marque, bien vu. Nomen est omen. Je les vois aussi comme les « riches » et ultra-riches d’aujourd’hui dans leurs abus des biens de ce monde, de ses ressources, avec bien souvent du narcissisme et de la folie du pouvoir. En partie grâce à des documentaires (merci la TV, Arte en particulier) on peut voir et comprendre certains de ces abus. Le documentaire sur Dresde et les châteaux construits par Frédéric-Auguste 1er de Saxe (en pompant les ressources produites par les cultivateurs de la SAxe) est édifiant.
Bonjour. Je me pose la question suivante: le fait d’afficher un titre de noblesse ne signifierait il pas ostensiblement (ou discrètement) « J’ai du sang bleu »? auquel cas la véritable question est: que signifie réellement ce sang bleu et pourquoi sommes nous inconsciemment portés à révérer ce sang bleu depuis des millénaires? Il est historiquement prouvé que ces familles au sang bleu s’unissaient entre elles uniquement, quelle en était donc la raison assez puissante pour que cela ait encore de l’importance aujourd’hui? Bonne continuation à vous!
L’argent, Claire, l’argent !!