Garder des dents saines à tout âge

Chers amis,

Regardez bien cette image :

Il s’agit d’une dent. Une molaire d’éléphant, plus exactement.

Une belle pièce, n’est-ce pas ? Elle pèse environ 2,5 kg.

Cependant, tout son intérêt ne réside pas dans son poids, ni dans sa taille, mais dans son cycle de vie.

Les éléphants n’ont que quatre molaires. Avec leurs défenses, assimilées à des incisives, cela leur fait en tout et pour tout six dents.

Six dents ! Et seulement quatre molaires pour mastiquer les quelques 200 kilos de végétaux dont ils se nourrissent chaque jour ! La taille des molaires en question – 30 cm de longueur à l’âge adulte – compense, me direz-vous… Mais ce n’est pas tout.

Les dents de l’éléphant : une question de vie ou de mort

Comme vous le voyez sur la photo, ces molaires sont pourvues de sortes de lamelles en rangée : c’est ce qui permet aux éléphants de râper et broyer les fruits, feuilles, tubercules, racines, bouts de bois et d’écorces que leur trompe dépose dans leur bouche.

Au fil du temps, ce travail de râpage intensif use la dent, qui se rabote, et devient de moins en moins efficace. C’est là que notre éléphant aurait besoin d’un bon dentiste.

Sauf que… les dents de l’éléphant repoussent. Pas indéfiniment : cinq fois au cours de sa vie.

Dès qu’une dent devient trop usée, elle est progressivement remplacée par une toute nouvelle.

C’est un fait unique chez les mammifères. Là où la plupart des espèces – y compris la nôtre – ne disposent que de deux cycles de dentition au cours de leur vie (les dents de lait, puis les dents définitives), les éléphants en connaissent six.

Le dernier cycle apparaît vers l’âge de trente ans.

Qu’arrive-t-il à l’éléphant lorsque son sixième et dernier cycle de dents est à son tour usé ? Il est condamné à mourir de faim, puisqu’il ne peut plus mastiquer sa nourriture.

C’est là la cause « naturelle » de la mort des éléphants, en général entre 50 et 80 ans.

(Il est troublant de constater à quel point la dentition de l’éléphant est pour lui LA question de vie ou de mort, puisque c’est avant tout pour ses défenses – ses incisives – qu’il est braconné par l’homme.)

Notre dentition est-elle (encore) adaptée à notre alimentation ?

Le renouvellement de la dentition, s’il est limité chez les mammifères, est courant chez d’autres espèces : le requin dispose d’un stock illimité de dents, l’alligator renouvelle ses 80 dents chaque année…

Mais que ce soit pour l’éléphant ou le requin, leur dentition est évidemment adaptée à l’usage qu’ils en font, autrement dit à leur alimentation : le requin utilise ses dents pour happer sa proie et la déchiqueter, et en perd systématiquement lors de ses chasses (on estime qu’au cours de son existence un squale perd jusqu’à 300 000 dents !).

Ensuite, selon que l’on est herbivore, carnivore ou insectivore, notre dentition n’est pas la même : un renard est mieux servi en canines et incisives qu’une vache !

Tout cela est le fruit de l’évolution. La denture de l’homme adulte, avec sa belle distribution de molaires et de prémolaires, d’incisives et de canines, est le témoignage du régime omnivore qui a fait le succès évolutif de nos ancêtres…

Mais si l’homme moderne a rattrapé l’éléphant en termes d’espérance globale de vie, il n’en va pas de même pour l’espérance de vie de sa dentition !

Ses 32 dents suffisaient amplement à la femme ou l’homme adulte d’il y a quelques milliers d’années, lorsque son espérance de vie moyenne était de 25 à 30 ans.

En réalité, jusqu’à il y a peu, on mourait avec des dents en excellent état : la mort nous fauchait avant qu’on ait eu le temps de les user !

Les peuples antiques, et même l’homme de Néandertal, ne connaissaient tout simplement pas les caries !

Dans ces conditions, pour un être humain, vivre jusqu’à un âge avancé muni de sa seule et unique denture achevée à la puberté, n’est pas un obstacle insurmontable.

Contrairement à celles de l’éléphant, dont l’usure précoce est prévue, nos dents sont en effet programmées pour fonctionner plusieurs dizaines d’années… à condition que nous suivions le régime alimentaire pour lequel elles sont conçues !

C’est ainsi que pour l’homme moderne, les choses (et ses dents) ont commencé à se gâter avec la consommation massive de sucre.

L’invention de la sucrerie a précédé de peu celle du dentiste.

Comment nous passons nos dents à l’acide

Naturellement, nos ancêtres eux aussi consommaient des aliments sucrés, à commencer par des fruits.

Le sucre n’était pas absent de leur alimentation.

Ce sont bel et bien la concentration et le raffinement du sucre qui sont les ennemis mortels de nos dents : ils exposent celles-ci à une agression impitoyable.

Le mélange de glucose et de fructose qui constitue le sucre et les sucreries, une fois dans notre bouche, produit en effet un acide extrêmement agressif. Cet acide agit sur les dents de la même façon que l’acide chlorhydrique dissout une plaque de métal !

Les trous formés par l’acide dans la dent vont permettre à de mauvaises bactéries de s’y loger : c’est le début de la carie, qui peut mener à la mort de la dent.

Trois remparts contre les caries

Face à ce phénomène, nous ne disposons a priori que de trois remparts :

  1. Une bonne flore buccale : c’est la colonie bactérienne peuplant notre bouche qui va déterminer la virulence de l’attaque à l’acide ! En tant qu’adulte, nous ne pouvons pas maîtriser cette flore : elle se constitue dès la petite enfance, à l’image de la flore intestinale.
  2. Un bon régime alimentaire : les séniors d’Okinawa, et cela ne vous étonnera pas, sont épargnés par les caries, car leur alimentation traditionnelle ne les expose pas à de telles concentrations de sucre. Le régime méditerranéen a les mêmes vertus.
  3. Un bon dentiste ! Pour des millions d’enfants et d’adultes qui n’ont pas écouté les mises en garde sur l’abus de sucreries, le seul moyen d’empêcher les dents de continuer à pourrir, c’est de faire nettoyer ses dents et colmater les trous par un dentiste. Reste ensuite l’avantage que le patient du dentiste a sur l’éléphant : se faire poser un implant pour remplacer la dent morte.

A bientôt,

Rodolphe