Chers amis,

Lors d’un précédent message, je vous ai exposé l’erreur la plus « célèbre » que l’on peut commettre en adoptant un régime végétarien ou végétalien : la carence en vitamine B12.

Bien que connue, beaucoup de personnes qui suivent ces régimes négligent cette carence.

Alors imaginez d’autres risques… beaucoup moins connus !

Voici 4 autres points sur lesquels il faut être extrêmement vigilant lorsque l’on adopte un régime de ce type.

1 – comment la carence en oméga-3 retentit sur votre cerveau

L’acide docosahexaénoïque, plus connu sous l’acronyme DHA, est indispensable au développement et au fonctionnement de notre cerveau.

Il s’agit d’un acide gras oméga-3 à longue chaîne.

Or, ce type d’oméga-3 comme plusieurs autres acides gras essentiels sont difficiles à trouver dans le cadre d’une alimentation qui exclut totalement les aliments animaux : produits par des bactéries et des micro-algues, ils se concentrent dans les poissons gras et dans les huiles qui en dérivent.

Les végétaliens les évitent donc.

La bonne nouvelle a priori, c’est que notre organisme peut convertir en DHA un oméga-3 à courte chaîne, l’acide alpha-linolénique (ALA), présent dans certains produits végétaux comme les graines de chia, les huile de lin ou de noix, etc.

La mauvaise nouvelle, quand on y regarde de plus près, c’est que cette conversion n’est que partielle et que ce mécanisme est peu efficace – seulement 0,5% de l’ALA est converti en DHA[1].

Elle ne peut donc pas couvrir l’ensemble de nos besoins.

Les végétariens, et plus encore les végétaliens, présentent ainsi des niveaux sanguins de DHA plus bas que les omnivores[2].

Je vous le disais, cet acide gras joue un rôle dans le bon fonctionnement de notre cerveau. Chez les femmes enceintes, une carence en oméga-3 à longue chaîne fait courir un risque au développement cérébral de l’enfant[3]. 

Il est donc possible – et plus que souhaitable ! – de prendre une supplémentation sous forme d’huile de micro-algue qui s’avère efficace pour augmenter la concentration sanguine en DHA[4].

1 à 2 g de cette huile fournissent les 500 à 1000 mg/jour recommandés en DHA. Malheureusement, le prix de ces produits reste beaucoup plus élevé que celui de leurs homologues issus du poisson. 

2 – ne vous privez pas de tous ces composés en « -ine »

Je vais maintenant vous parler de trois dérivés d’acides aminés : la créatine, la carnosine et la taurine.

Ces trois substances sont fabriquées à partir de deux ou trois acides aminés et remplissent des rôles importants dans notre organisme :

  • La taurine intervient dans la formation de la bile, la transmission d’information au niveau du cerveau et la fonction cardiovasculaire. C’est surtout dans ce domaine qu’elle est intéressante car différentes études ont mis en évidence un effet protecteur de la taurine contre les affections cardiovasculaires[5] : elle abaisse la pression sanguine, et des études chez l’animal suggèrent qu’elle est capable de s’opposer à la formation de plaque d’athérome au niveau des parois des vaisseaux sanguins (phénomène lié au risque de développer une maladie cardiaque). Elle semble également en mesure de prévenir le syndrome métabolique[6].
  • La créatine offre une source d’énergie aux muscles (elle est d’ailleurs très prisée par les sportifs pour accroître leurs performances, sous forme de compléments de créatine monohydrate) et elle est également impliquée dans le fonctionnement du cerveau.
  • La carnosine est une précieuse alliée antivieillissement, potentiellement protectrice contre les maladies liées à l’âge (diabète de type 2, athérosclérose, maladies neurodégénératives, insuffisance rénale…) : elle a une importante action anti-oxydante et s’oppose aux réactions de glycation au sein de l’organisme[7].

Notre corps est en mesure de produire seulement une petite quantité de ces trois composés, et une alimentation contenant des produits animaux a pour résultat de compléter ce stock… qui chute rapidement lorsque l’organisme est privé de ces apports[8] ! 

La seule carnosine est présente à des niveaux réduits de moitié dans le cerveau et les muscles des végétariens[9].

Une étude a montré qu’une supplémentation de 5 jours, à raison de 20 g par jour, améliore la mémoire et la réactivité mentale de personnes végétariennes[10].

Ces trois éléments peuvent être pris en supplémentation.

3 – attention aux anti-nutriments !

Les végétaux produisent des substances qualifiées d’anti-nutriments : elles réduisent l’assimilation des vitamines, minéraux et protéines pour se protéger des prédateurs.

Les phytates sont les plus importants de ces anti-nutriments : ils inhibent les enzymes qui permettent l’assimilation des protéines (inhibiteur de trypsine du soja par exemple), les lectines, les tanins, l’oxalate de calcium… 

Il est donc capital de réduire la teneur en anti-nutriments de ses repas quand on a une alimentation végétalienne.

C’est possible grâce à différentes méthodes de préparation :

  • Le trempage consiste à placer les légumineuses, céréales ou fruits oléagineux dans de l’eau, la nuit précédant leur consommation. Je vous en ai déjà parlé au sujet du riz. Un trempage de 12 heures permet par exemple de réduire de 55 % les taux de phytates du pois chiche[11]. Couplée à la cuisson, la quantité d’anti-nutriments peut ainsi être fortement réduite dans ces aliments.
  • La fermentation, grâce aux micro-organismes comme les bactéries et levures qui dégradent les glucides présents dans l’aliment. On l’utilise depuis longtemps en Asie pour améliorer les qualités nutritionnelles du soja, qu’il est préférable de consommer sous forme fermentée (sauce soja, miso, tempeh ou natto) que non fermentée (tofu, « lait » de soja). Dans le tempeh, la quantité de lectines peut ainsi être réduite jusqu’au 95 % grâce à cette méthode[12].
  • La germination, qui élimine jusqu’à 80 % des phytates dans les féveroles par exemple[13]; elle agit de manière plus modeste sur les taux de lectines. Elle améliore en outre le contenu en protéines, glucides et vitamines de l’aliment, et diminue son index glycémique, permettant d’éviter une élévation trop importante du taux de sucre sanguin.
  • Opter pour des légumineuses en bocaux. L’appertisation – le principe qui permet la mise en conserve des aliments – atténue en effet la réduction de l’absorption des vitamines liposolubles A, D, E et K que provoquent les légumineuses au cours d’un repas, alors qu’une simple cuisson ménagère est moins efficace[14].

4 – évitez les pièges de l’industrie agro-alimentaire ! 

Steak, escalope, saucisse, nuggets, jambon et tutti quanti élaborés à partir de protéines végétales ont envahi les magasins. Ils ont l’aspect, la texture et parfois même le goût de la viande mais sont la plupart du temps issues du soja ou des céréales.

Ces produits, que l’on appelle les « simili-carnés », sont des produits ultra-transformés qui se présentent comme des alternatives végé et saines à la viande.

Alternatives végé, d’accord ; alternatives saines… non.

Tout d’abord, ils présentent une longue liste d’ingrédients, incluant de nombreux additifs (épaississants, exhausteurs de goût, colorants…) et d’arômes.

Ces produits peuvent ensuite être plus gras que leurs équivalents animaux : un steak de soja fournit par exemple 14,7 g de lipides pour 100 g. Un steak de bœuf en apporte en moyenne moins de 10 !

La qualité des huiles végétales, les matières grasses qui procurent de l’onctuosité et de la saveur au produit, peut fortement varier : La plupart des industriels utilisent de l’huile de tournesol, qui apporte trop d’acide gras de type oméga-6 et pas d’oméga-3. C’est un choix désastreux pour la santé cardiovasculaire. 

On recourt souvent à ces produits pour faire le plein de protéines. Les disparités en termes de contenu sont en réalité très fortes : certains sont très en-deçà des 15 g de protéines pour 100 g que l’on peut espérer. 

Attention également au piège des glucides : ils sont absents de la viande… mais les simili-carnés sont souvent truffés de sucres ajoutés !

Les steaks végétaux de certaines marques contiennent pas moins d’un carré de sucre par portion.

De même, ils sont souvent exagérément salés pour compenser le goût neutre des bases végétales utilisées : un steak de soja contient en moyenne 1,75 g de sel pour 100 g, une quantité plus élevée que le seuil des 1,5 g défini par l »OMS pour caractériser les produits riches en sel.

En somme : qu’il s’agisse d’alimentation végé ou non, les produits ultra-transformés sont à éviter : préférez-y les aliments bruts, de qualité biologique, que vous cuisinerez vous-même.

Vous l’avez compris, mon but n’est ni de vous convaincre, ni de vous décourager de manger végétarien ou végétalien, mais de m’assurer que vous ayez bien en tête ces erreurs courantes dont la facture se paye au bout de quelques années !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1]   Williams C. M., & Burdge G. (2006). Long-chain n− 3 PUFA: plant v. Marine sources. Pr Nutr Soc. 65(1):42–50. DOI: 10.1079/pns2005473. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16441943/

[2]   Rosell M. S., Lloyd-Wright, Z., Appleby, P. N. et al. (2005). Long-chain n-3 polyunsaturated fatty acids in plasma in British meat-eating, vegetarian, and vegan men. Am J Clin Nutr. 82(2):327-34. DOI: 10.1093/ajcn.82.2.327. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16087975/

[3]   Burdge G. C., Tan S.-Y., & Henry C. J. Long-chain n-3 PUFA in vegetarian women: a metabolic perspective. J Nutr Sci. 6:e58. DOI: 10.1017/jns.2017.62. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5705809/

[4]   Conquer J. A., & Holub B. J. (1996). Supplementation with an algae source of docosahexaenoic acid increases (n-3) fatty acid status and alters selected risk factors for heart disease in vegetarian subjects. J Nutr. 126(12):3032. DOI: 10.1093/jn/126.12.3032. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9001371/

[5]   Murakami S. (2014). Taurine and atherosclerosis. Amino Acids 46(1):73-80. DOI: 10.1007/s00726-012-1432-6. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23224908/

[6]   Chen W., Guo J., Zhang Y. et al. (2016). The beneficial effects of taurine in preventing metabolic syndrome.  Food Funct. 7(4):1849-63. DOI: 10.1039/c5fo01295c. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26918249/

[7]   Younus S., & Anwar S. (2016). Prevention of non-enzymatic glycosylation (glycation): Implication in the treatment of diabetic complication. Int J Health Sci (Qassim). 10(2): 261–277. PMCID: PMC4825899. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27103908/

[8]   Lukaszuk J. M., Robertson R. J., Arch J. E. et al. (2002). Effect of creatine supplementation and a lacto-ovo-vegetarian diet on muscle creatine concentration. Int J Sport Nutr Exerc Metab. 12:336–348. DOI: 10.1123/ijsnem.12.3.336. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12432177/

[9]   Everaert I., Mooyaart, A., Baguet, A. et al. (2011). Vegetarianism, female gender and increasing age, but not CNDP1 genotype, are associated with reduced muscle carnosine levels in humans. Amino Acids 40(4):1221-9. DOI: 10.1007/s00726-010-0749-2. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20865290/

[10] Benton D., & Donohoe R. (2011). The influence of creatine supplementation on the cognitive functioning of vegetarians and omnivores. Br J Nutr. 105(7):1100-5. DOI: 10.1017/S0007114510004733. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21118604/

[11] Ertaş N., & Türker S. (2014). Bulgur processes increase nutrition value: possible role in in-vitro protein digestability, phytic acid, trypsin inhibitor activity and mineral bioavailability. J Food Sci Technol. 51(7):1401-5. DOI: 10.1007/s13197-012-0638-7. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24966437/

[12] Reddy N. R., & Pierson M. D. (1994). Reduction in antinutritional and toxic components in plant foods by fermentation. Food Research International 27(3):281-290. https://doi.org/10.1016/0963-9969(94)90096-5

[13] Luo Y., Xie, W. & Luo F. (2012). Effect of several germination treatments on phosphatases activities and degradation of phytate in faba bean (Vicia faba L.) and azuki bean (Vigna angularis L.). J Food Sci. 77(10):C1023-9. DOI: 10.1111/j.1750-3841.2012.02733.x. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22938099/

[14] Margier M., Nowicki M., Siriaco A. et al. (2017) Effet des légumineuses sur la biodisponibilité des vitamines liposolubles. Nutrition Clinique et Métabolisme 31(3):222-223. https://doi.org/10.1016/j.nupar.2017.06.017