Chers amis,

Suite de ma série de lettres sur les 3 facteurs de longévité étonnants découverts par la science ces dernières années (vous pouvez retrouver ma première lettre sur le fer ici).

Aujourd’hui je m’adresse plus particulièrement à vous, Madame.

On pourrait, intuitivement, considérer que ne pas avoir d’enfant, ou en avoir peu, préserve la santé : c’est a priori du stress en moins, des heures de sommeil en plus…

Si comme moi vous avez eu plusieurs enfants, peut-être vous sentez-vous « usée », notamment par les périodes de la petite enfance.

De même, on pourrait spontanément considérer qu’avoir ses enfants très jeune, et non pas sur le tard, puisse constituer un « avantage » pour la suite de la vie d’une femme : quand les enfants sont grands et indépendants, et qu’on a soi-même la quarantaine, on a encore la vie devant soi.

Eh bien… c’est exactement l’inverse que l’on constate !

Plus une femme a d’enfants, plus elle vieillit lentement

Peut-être avez-vous déjà entendu parler des télomères : ce sont de petits « capuchons » recouvrant l’extrémité de nos chromosomes.

Nous savons depuis quelques années que la vitesse et la qualité de notre vieillissement est liée à la longueur de ces capuchons.

Les télomères sont les gardiens de l’intégrité de notre patrimoine génétique : plus ils sont longs, plus notre ADN est « intact », permettant à nos cellules de se répliquer sans erreur.

En revanche, plus ils sont courts (et ils raccourcissent avec l’âge, l’inflammation et le stress), moins notre ADN est protégé, et plus nous sommes exposés aux maladies liées à l’âge.

En étudiant l’ADN de 75 femmes issues de deux communautés rurales du Guatemala, des chercheurs canadiens ont observé – contre toute attente – que plus celles-ci avaient eu d’enfants, plus longs étaient leurs télomères[1].

Autrement dit : leur ADN était mieux armé face au vieillissement… elles vieillissaient plus lentement.

Ces résultats, obtenus suite à des prélèvements effectués à 13 ans d’écart, ont positivement surpris les chercheurs, puisqu’elle contredit la théorie évolutive selon laquelle la procréation accélère le vieillissement biologique.

Les chercheurs avancent deux explications possibles :

  • La sécrétion accrue d’œstrogènes (pendant la grossesse) agirait comme une protection antioxydante pour les télomères : plus les grossesses sont nombreuses, mieux les télomères sont protégés ;
  • L’environnement social et l’hygiène de vie de ces femmes (qui vivent à la campagne et sont entourées d’une communauté soudée les aidant dans la prise en charge de leurs enfants) pourrait également influencer cette protection.

Ce résultat contre-intuitif a été corroboré par une autre étude, qui a tordu le cou à cette idée reçue voulant qu’avoir des enfants « sur le tard » vous fait perdre des points de vie.

Plus vous avez d’enfant tard… plus vous avez de chance d’atteindre 100 ans

Les « jeunes » mamans de plus de 40 ans seraient en effet avantagées sur les mamans ayant leurs enfants plus tôt, pour atteindre un âge canonique.

C’est la surprenante observation statistique faite par des chercheurs en étudiant les données de l’étude LLFS (Long Life Family Study) : en accouchant de son dernier enfant après 40 ans, une femme – tenez-vous bien – triplerait ses chances d’atteindre cent ans et plus[2].

Autrement dit, la maternité sur le tard serait non pas un handicap, mais bel et bien un avantage en termes d’espérance de vie.

On peut l’expliquer, là encore, par la sécrétion lors de la grossesse d’œstrogènes « protecteurs » des télomères.

Mais on peut aussi estimer qu’avoir un enfant tard « programme » le cœur, la tête et donc le corps de la femme pour le voir grandir, l’accompagner le plus longtemps dans la vie, et pourquoi pas s’occuper à son tour des enfants de son enfant !

Cette observation corroborerait donc, elle, « l’hypothèse de la grand-mère » qui explique à la fois l’avantage de longévité des femmes sur les hommes, et le phénomène de la ménopause.

Cette hypothèse, formulée il y a moins de 20 ans[3], suppose que cet âge infertile de la vie d’une femme aurait donné un avantage à l’espèce humaine en permettant aux grands-mères de s’occuper de leurs petits-enfants.

Or justement à ce compte-là… une ménopause tardive a été elle aussi associée à une longévité accrue.

Menstruations et ménopause : mieux vaut tard que tôt !

Mademoiselle, Madame, si à l’adolescence vous avez été moquée pour votre puberté arrivée tardivement, sachez que c’est en réalité un cadeau de (longue) vie.

Une étude menée sur 16’251 femmes par des chercheurs de San Diego a en effet constaté que 55% d’entre elles avaient dépassé l’âge de 90 ans.

Quels points communs avaient ces femmes ?

Elles avaient eu leurs premières règles après 12 ans, c’était le premier indice.

L’âge de leur ménopause constituait également un critère discriminant : plus elles étaient ménopausées tard, plus elles vivaient longtemps… et en meilleure santé, ayant un risque amoindri de subir des maladies cardiaques, notamment.

Et cet avantage est directement lié à l’âge de la ménopause : les femmes ménopausées avant 40 ans sont nettement désavantagées, tandis que celles qui le sont après 50 sont clairement avantagées, celles ayant connu ce changement hormonal à 53, 54 et même 55 ans ayant la longévité en bonne santé la plus spectaculaire.

Autrement dit, dans la course de la vie, l’âge de la fertilité a une morale comparable à celle du Lièvre et la tortue : mieux vaut partir tard, et arriver tard, que partir tôt… et finir la course prématurément.

Madame, si votre expérience confirme (ou infirme !) cette lettre, je serai heureux de vous lire en commentaire !

Dans ma prochaine lettre, je vous parlerai du troisième facteur étonnant de longévité. C’est un facteur de poils et d’une queue !

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

P.-S. : Monsieur, ne soyez pas en reste ; pour la petite histoire : mes études sur les Zones bleues, ces régions du monde où l’on vit plus longtemps et en meilleure santé que partout ailleurs sur la planète, m’avaient appris cet autre avantage surprenant pour nous les hommes : c’est que plus un homme a d’enfants filles, plus il a de chances de devenir centenaire !

[1] Barha CK, Hanna CW, Salvante KG, et al. (2016). Number of Children and Telomere Length in Women: A Prospective, Longitudinal Evaluation. PLoS ONE 11(1): e0146424. http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0146424

[2] Sun F, Sebastiani P, Schupf N, et al. (2015). Extended maternal age at birth of last child and women’s longevity in the Long Life Family Study. Menopause (New York, N.Y.), 22(1), 26–31.

[3] Lahdenperä M, Lummaa V, & Russell AF (2009). Menopause: why does fertility end before life ? Climacteric, 327-331. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13697130400012205