Chers amis,

Chaque année, j’attends la fin mars avec impatience : c’est le moment auquel l’exposition directe du soleil fait son grand retour dans la chambre de mes enfants, en fin de journée, et dans ma salle de bain, le matin, où un grand avocatier que j’y fais pousser bénéficie de ses rayons.

Ce retour de la lumière marque dans mon univers domestique le vrai début des beaux jours.

Et, en cette même période, vous avez peut-être pu lire çà et là le conseil de profiter du soleil pour recharger vos réserves de vitamine D.

C’est un bon conseil (même s’il est un peu tôt encore pour la vitamine D, en réalité, sous nos latitudes) qui cependant éclipse les autres bienfaits de l’exposition directe au soleil !

La vitamine D, dont je vous parle régulièrement, n’est en effet que l’une des vertus santé des rayons solaires, qui contribuent de façon déterminante à notre équilibre hormonal, physique et mental.

Éclipse totale, écran total, guerre totale

Et encore, la vitamine D, c’est le bon côté de l’éclipse des autres bienfaits santé du soleil.

Une éclipse plus importante et beaucoup plus problématique est, dans notre culture, provoquée par – pardonnez-moi – le « côté obscur » prêté à l’astre du jour.

J’ai nommé : les coups de soleil, le vieillissement cutané et le risque de développer un cancer de la peau.

Ces risques-là sont réels. Mais la dramatisation de ces risques a fait perdre le sens commun aux autorités de santé et, surtout, engendré une manne financière dans certains secteurs industriels – je veux parler des fabricants de lunettes de soleil et de crèmes solaires.

Ces intérêts industriels, soutenus par des discours sanitaires obsolètes, entretiennent l’idée que les rayons solaires sont des ennemis mortels dont il faut à tout prix se protéger.

Rien n’est plus faux, ni surtout plus dangereux.

Car, ces dernières années, de nombreuses études ont, elles, alerté sur les graves conséquences santé associées à cette guerre totale menée contre les rayons solaires.

Et qu’une simple supplémentation en vitamine D ne suffit pas à compenser !

Car il y a, dans le soleil, d’autres amis médecins : les rayons ultra-violets, indispensables pour nous protéger de maladies cardiovasculaires et auto-immunes, et des cancers.

Le soleil est bon pour le cœur

Vous le savez, l’hypertension artérielle est un facteur de risque important de maladies cardiovasculaires – crise cardiaque, AVC, etc. – dont la fréquence augmente pendant les mois d’hiver… et dans les pays les moins ensoleillés.

Or, lorsque l’on soumet la peau de volontaires à un rayonnement UVA, la quantité d’oxyde nitrique dans leur sang grimpe en flèche[1].

Les rayons UVA permettent en effet la transformation des nitrites qui sont stockés dans le sang en oxyde nitrique, ce qui provoque un relâchement de la paroi des vaisseaux sanguins.

Effet immédiat de cette vasodilatation : la baisse de la pression artérielle.

La découverte de ce mécanisme simple, dépendant des rayons UVA du soleil, contribue à expliquer la faible mortalité par maladie cardiovasculaire observée au Portugal, en Espagne, en Italie, en Grèce et dans le sud de la France par rapport aux autres pays d’Europe.

La bonne santé cardiaque des habitants de ces régions méditerranéennes ne s’expliquerait donc pas seulement par leur régime alimentaire traditionnel (la fameuse « diète méditerranéenne ») mais aussi par leurs niveaux d’ensoleillement plus élevés[2] !

L’oxyde nitrique intervient en outre :

  • dans l’immunité, où il facilite la guérison des plaies et joue un rôle antimicrobien et antitumoral ;
  • dans la transmission des messages au niveau du cerveau ;
  • dans la diminution de l’intolérance au glucose et la résistance à l’insuline – réduisant ainsi probablement le risque de diabète de type 2.

Le risque de sclérose en plaques et d’autres maladies auto-immunes FOND au soleil

Les vrais jumeaux constituent des volontaires de choix pour les études santé : ils partagent le même patrimoine génétique et donc a priori les mêmes risques santé… qu’ils vont exprimer différemment en fonction de leur environnement et de leurs habitudes.

Ainsi, des chercheurs ont étudié les habitudes durant leur enfance de vrais jumeaux, s’intéressant en particulier à leurs activités de plein air.

Les chercheurs ont constaté que les jumeaux ayant passé plus de temps dehors ont développé moins de maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques[3].

Une bonne dose de soleil reçue pendant les premières années de vie permettrait de réduire le risque de développer cette maladie de 25 à 57 % !

Des résultats similaires[4] ont été observés pour les autres maladies auto-immunes comme :

  • la polyarthrite ;
  • le psoriasis ;
  • le diabète de type 1 ;
  • le syndrome de Gougerot, etc.

Si la maladie est installée, l’exposition au soleil est également recommandée car les rayons solaires calment les réactions auto-immunes, ralentissent l’évolution et diminuent le besoin en médicaments.

Le long malentendu (entretenu) entre soleil et cancer

C’est ce qui étonne le plus souvent les gens auxquels j’en parle : oui, l’exposition à la lumière naturelle, contribue à réduire le risque de cancer.

« Ah bon ?! Mais, et le cancer de la peau ?? »

Eh bien, je vous le dis, attention aux messages commerciaux des vendeurs de crème solaire :

  • ils laissent entendre que s’exposer au soleil est dangereux – ce qui est faux ;
  • et que s’exposer au soleil en se tartinant de crème solaire toutes les deux heures n’est pas dangereux… ce qui est tout aussi faux !

Je m’explique.

Oui, le rayonnement ultraviolet est capable d’entraîner des mutations au niveau de l’ADN des êtres vivants et cette caractéristique, chez l’être humain, peut favoriser le développement de cancers de la peau.

C’est pourquoi les autorités mettent en garde contre une exposition excessive, et que les fabricants de crème solaire en remettent une couche – sans jeu de mots.

Mais nos ancêtres ont vécu des centaines de milliers d’années sans crème solaire, et… ils faisaient beaucoup moins de cancers de la peau que nos contemporains.

Il y a deux raisons très simples à cela.

La première raison, c’est que notre organisme a prévu une arme pour protéger notre ADN des rayons UV : c’est la mélanine, ce pigment qui peut nous donner une belle peau bronzée.

Et la seule façon de produire de la mélanine… c’est de s’exposer au soleil !

Nous avons une seconde arme, les caroténoïdes, que seule l’alimentation peut nous apporter – par la consommation de fruits et légumes, poussant principalement en été.

Si vous bronzez facilement, vous produisez rapidement de la mélanine ; si en revanche, vous développez vite des coups de soleil, vous en produisez peu… ce qui devrait d’autant plus vous inciter à compenser par de bons apports en caroténoïdes !

La seconde raison, c’est que les crèmes solaires bloquent la synthèse de la mélanine, mais aussi de la vitamine D, qui toutes deux protègent du cancer de la peau.

En outre ces mêmes crèmes solaires incitent à rester exposé plus longtemps : on est ainsi exposé au soleil jusqu’à ce que « ça chauffe » : les crèmes retardent les coups de soleil, et ceux qui les utilisent ressentent moins la nécessité de se mettre à l’ombre…

Ainsi, des études ont montré que les utilisateurs de crème solaire passent beaucoup plus de temps exposés au soleil que les non-utilisateurs, ce qui augmentent leur risque de cancer de la peau[5] ! Un comble !

S’exposer à l’exposition naturelle du soleil, sans crème, permet donc de réduire le risque de cancer de la peau… Ainsi que d’autres types de cancer !

Des études épidémiologiques ont montré que les personnes qui s’exposent régulièrement au soleil sans crème, ont une moindre fréquence de cancers colorectal, du sein, de la prostate et du lymphome non hodgkinien[6].

Dans un prochain message, je reviendrai sur un autre outil à la mode anti-soleil, et ses méfaits : les lunettes de soleil…

Portez-vous bien, 

Rodolphe

[1] Liu D et al. (2014). UVA irradiation of human skin vasodilates arterial vasculature and lowers blood pressure independently of nitric oxide synthase. J Invest Dermatol 134 (7) : 1839-46.

[2] Wong A. (2008). Incident Solar Radiation and Coronary Heart Disease Mortality Rates in Europe. Eur J Epidemiol. 23 (9) : 609-14.

[3] Islam T. et al. (2007). Childhood Sun Exposure Influences Risk of multiple Sclerosis in Monozygotic Twins. Neurology. 69 (4) : 381 – 88.

[4] Ponsonby AL, Lucas RM, & van der Mei IA. (2005). UVR, vitamin D and three autoimmune diseases–multiple sclerosis, type 1 diabetes, rheumatoid arthritis. Photochem Photobiol. 81(6):1267-75. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15971932/

[5] Autier P, Doré JF, Reis AC, et al. (2000). Sunscreen use and intentional exposure to ultraviolet A and B radiation: a double blind randomized trial using personal dosimeters. Br J Cancer. 83(9):1243-1248. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2363574/

[6] Van der Rhee H. et al. Is Prevention of Cancer by Sun Exposure More Than Just the Effect of Vitamin D ? A Systematic Review of Epidemiological Studies. Eur J Cancer. 2013 Apr ; 49 (6) : 1422-36.