Chers amis,

Je viens de terminer la lecture d’un rapport indépendant du collectif d’économistes GenerationLibre sur la « facture » d’un an de confinement (mars 2020-avril 2021).

Vous pouvez le retrouver ici.

Ce rapport se propose « de mesurer les conséquences positives et négatives des confinements sur l’espérance de vie des Français : d’un côté, les années de vie gagnées grâce aux mesures restrictives, de l’autre les années de vie perdues par les déclassements économiques

C’est un texte d’économistes donc, aride à lire, appliquant une méthodologie sophistiquée.

Sa conclusion est cependant claire : quel que soit le mode de calcul retenu, les confinements successifs de ces quatorze derniers mois ont coûté PLUS d’années de vie aux Français qu’ils n’en ont sauvé.

Pourquoi parler d’ « années de vie » ?

L’approche de ce rapport est originale car elle estime que toutes les années de vie, sauvées ou perdues, sont égales quelle que soit la tranche d’âge.

 « Chaque année de vie doit être valorisée de manière égale »[1] confirment les auteurs : que les personnes aient 25 ou 85 ans, chaque année compte.

C’est l’addition et la soustraction de toutes ces années, dans l’ensemble de la population française, qui fait l’objet de l’étude. 

Le confinement a probablement « sauvé » 500 000 années d’espérance de vie dans la population française…

Concernant la partie « années gagnées », le rapport rappelle que « les bénéfices potentiels des mesures de confinement ont principalement été estimés à partir de modèles mathématiques »[2].

Or dans tout modèle mathématique c’est la définition des variables qui détermine les résultats.

Les auteurs ont passé en revue plusieurs modèles d’estimation, dont les évaluations s’échelonnent :

  • de 20 000 morts évitées minimum, estimation émanant du groupe PANDA (Pandemics – Data & Analytics) ;
  • à 220 000 décès évités maximum, estimation de l’école des Hautes études en santé publiques (EHESP). 

L’écart est grand.

C’est là que le critère « années de vie » est intéressant car, rappelle les auteurs, « l’âge moyen de l’ensemble des décès COVID-19 est supérieur à 81 ans »[3].

Au final, en ayant une approche plutôt « conservatrice », c’est-à-dire une estimation de 100 000 vies sauvées et à raison de 5 ans d’espérance de vie aux vues des statistiques des victimes du Covid, les auteurs évaluent à 500 000 années « sauvées » par un an de confinements.

… mais a « coûté » 1 200 000 d’années d’espérance de vie dans d’autres tranches de la population

Pour calculer les coûts des années de vie perdues (à cause des restrictions), les auteurs ont dû recourir à une autre méthode.

Il est difficile de prévoir l’ensemble des conséquences sanitaires à long terme de ces confinements : hausse des dépressions, retard de diagnostic de nombreuses maladies dont cancers, etc.

Les auteurs s’en sont donc tenus à un critère unique mais solide : l’espérance de vie associée au « niveau de vie ».

Vous le savez, en France comme dans l’ensemble du monde, l’espérance de vie est étroitement liée à la classe sociale et au revenu.

Or, « la crise aurait fait basculer 1 million de personnes dans la pauvreté et la France aurait ainsi franchi le seuil symbolique de 10 millions de pauvres en 2020.[4] »

L’apparition d’un million de « nouveaux pauvres » ne se répercute pas uniformément dans la population française :

  • les retraités ne seraient quasiment pas touchés ;
  • l’ensemble de la population aurait perdu jusqu’à 5% de ses revenus ;
  • les 20-25 ans auraient perdu jusqu’à 10%.

Le parti-pris de ne prendre en compte « que » le niveau de vie incite les auteurs à une certaine prudence :

« Nous n’avons donc pas la prétention de prendre en compte l’intégralité des dommages provoqués par les confinements sur la santé des Français. Par souci méthodologique, nous avons décidé de nous en tenir aux chiffres partiels, néanmoins parlants, de perte de revenus pour estimer la perte d’espérance de vie. Ce parti pris sous-estime forcément et grandement l’exercice d’estimation des années de vie perdues qui suit.[5] »

Les résultats sont cependant glaçants.

Les auteurs estiment en moyenne la perte d’espérance de vie des personnes entrant dans la pauvreté à 5,5 années, et celle des déclassés à 2 années.

La population concernée est beaucoup plus importante que celle constituée par les « rescapés du Covid ».

Cela donne, selon les différents scénarios, de 470 000 à 2 555 000 « années de vie perdues ».

Le plus « optimiste » de ces scénarios arrive quasiment au même niveau que l’estimation des « rescapés du Covid » (500 000).

Le plus pessimiste, lui, représente 5 fois plus d’années de vie perdues par les mesures de confinement que d’années sauvées par ces mêmes mesures.

Les auteurs gardent l’estimation médiane de 1 210 000 : même ainsi, le nombre d’années de vie « perdues » représentent plus du double de celles des années « sauvées » par les confinements.

En avançant ces chiffres, les auteurs estiment qu’ils « sous-évaluent de manière substantielle le nombre d’années de vie perdues liées à la dégradation de la qualité de vie (psychologique notamment). De plus, les hypothèses du nombre de personnes tombant dans la pauvreté et/ou étant déclassées se basent sur des estimations relativement anciennes (octobre 2020 pour les nouveaux pauvres) et qui ont probablement empiré depuis. Compte tenu de la lenteur de la reprise économique, il est probable que ces chiffres augmentent au cours de l’année 2021. [6]»

Autrement dit : il faut s’attendre à voir cette « facture » augmenter au cours des mois qui arrivent.

Un résultat symbolique de notre rapport à la santé

En fait avec le Covid-19 nous avons traité la population de tout un pays comme on traiterait un jardin avec épandage massif de pesticides pour éradiquer un seul parasite. Ou un patient aux antibiotiques avec pour objectif d’éradiquer une seule bactérie pathogène.

Dans un jardin vous le savez, l’emploi des pesticides se fait au détriment de la biodiversité du jardin, donc de la santé de la terre et de la présence d’autres espèces, animales ou végétales. 

Dans le cas du patient, l’éradication de la bactérie pathogène se fait au prix de nombreuses autres « bonnes » bactéries de la flore intestinale, provoquant un appauvrissement considérable du microbiote.

Voilà comment les confinements ont « accepté » de faire d’innombrables « victimes collatérales » au nom de la protection du plus grand nombre. 

Je vous laisse lire cet extrait éclairant de la conclusion du rapport :

« la balance coûts-bénéfices des confinements n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le penser. Le principe d’égale valeur de toutes les vies humaines que nous avons appliqué dans le cadre de cette note doit inciter les pouvoirs publics à prendre en considération toutes les conséquences de leur action au bout d’une année de crise sanitaire.

« Chaque vie sauvée, prolongée, est une victoire, mais toutes les vies impactées et diminuées par les restrictions doivent être prises en compte au même titre que les autres.  (…) Nous n’en concluons pas pour autant que les confinements n’étaient pas souhaitables, nous alertons simplement sur le fait que leurs effets secondaires ne doivent pas être sous-évalués.[7] »

Je reprends la parole : à mes yeux la même prudence devrait être observée pour la vaccination.

C’est-à-dire qu’on prend aujourd’hui le risque d’une vaccination massive, à la hâte, sans avoir d’idée claire sur ses éventuels risques à long terme, ni de l’efficacité réelles de ces vaccins. Il y avait à mon sens un autre moyen de faire : celui de soigner le Covid, ce que bien des spécialistes savent de mieux en mieux faire, y compris chez des patients âgés et malades.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] Rapport, p.4

[2] Rapport, p.5

[3] Rapport, p.10

[4] Rapport, p.12

[5] Rapport, p.13

[6] Rapport, p.16

[7] Rapport, p.18