Chers amis,

Dans les années 1960 et 1970, une « arme biologique » a été conçue pour nous protéger des bactéries. Cinquante ans plus tard il est avéré qu’elle pouvait déclencher des maladies.

Comment une telle énormité a-t-elle pu se produire ?

Bienvenue dans le roman noir du triclosan !

Cette substance chimique se retrouve partout. Produite à échelle industrielle, on la rencontre dans :

  • les savons ;
  • les gels douche ;
  • les gels antibactériens (comme ceux utilisés dans les hôpitaux) ;
  • les dentifrices ;
  • les produits de nettoyage ménagers ;
  • les traitements contre l’eczéma ;
  • les crèmes hydratantes ;
  • les crèmes solaires ;
  • les déodorants ;
  • les produits contre l’acné.

Mais c’est loin d’être fini. Elle rentre aussi dans la composition :

  • de jouets ;
  • de sacs poubelles ;
  • de literie ;
  • de meubles ;
  • de tapis…

Une molécule miracle au départ…

Le triclosan a été breveté par un laboratoire suisse au milieu des années 1960.

On croyait alors avoir trouvé, en une seule molécule, à la fois un antibactérien, un antifongique, un antiviral, un antitartre et un agent de conservation. Sa structure chimique est très proche des pesticides.

Le premier client de ce destructeur multitâche a été les hôpitaux, qui s’en sont servi pour la confection des blouses.

Puis on a fabriqué du gel lavant à base de triclosan, celui dont se frottent les infirmiers et les médecins à l’hôpital. Ce type de gel se trouve aujourd’hui dans le commerce, parfois dans les entreprises en self-service hygiénique.

Inutile… et dangereuse

Saviez-vous que ces gels contenant du triclosan ne sont pas plus efficaces que les savons traditionnels pour réduire la contamination bactérienne[1] ?

Il ne s’agit pas là d’une étude menée sur quelques dizaines de participants, mais d’une recherche de grande échelle, commanditée en 2015 par le gouvernement américain.

S’il ne nettoie pas mieux qu’un savon normal, le triclosan est en revanche très doué pour traverser la peau et les muqueuses de la bouche et pénétrer dans le système sanguin[2].

On en découvre chaque année de nouvelles conséquences.

Graves dangers pour le cerveau des enfants

En 2014, une association de médecins suisses alertait : « Le triclosan est soupçonné d’agir sur le système endocrinien, de déclencher le cancer du sein, d’endommager les spermatozoïdes, de provoquer des résistances aux antibiotiques et d’affecter le foie et les muscles[3]. »

Si vous êtes mère, sachez qu’une exposition au triclosan peut contaminer le fœtus dès les premiers instants de sa vie, avec des conséquences sur le développement de leurs neurones. Des chercheurs ont ainsi retrouvé du triclosan dans le sang ombilical et le lait maternel[4].

Et on a pu faire le lien entre cette exposition des fœtus, surtout dans les premières semaines, et un QI en baisse chez les enfants concernés, mesurable dès l’âge de 8 ans[5].

Le triclosan passe le microbiote au kärcher

Une autre étude très récente rend le triclosan responsable d’une inflammation de l’intestin et de l’accélération du développement du cancer du côlon[6].

Comment ? Le triclosan est absorbé par la nourriture ou l’eau – et l’eau du robinet en contient souvent car cette substance est mal évacuée par les traitements des eaux usagées[7].

Le triclosan étant bactéricide… une fois dans nos intestins, il ne fait pas la différence entre les bonnes et les mauvaises bactéries, et ravage celles qui protègent votre santé, c’est-à-dire votre microbiote intestinal.

Allergie, antibiorésistance… n’en jetez plus !

Le triclosan est également associé à une hausse de l’incidence des allergies alimentaires[8] et cutanées[9].

Enfin, et c’est sans doute le plus ironique dans cette triste histoire, le triclosan est soupçonné d’avoir une grande part de responsabilité dans l’apparition de la résistance aux antibiotiques (antibiorésistance). Une étude de 2019 associe sa présence à :

  • une plus grande résistance d’E. Coli (pouvant provoquer gastro-entérites, méningites et infections urinaires) ;
  • une moindre efficacité générale des traitements antibiotiques[10].

Comment échapper au triclosan ?

Même si très peu de chiffres existent à ce sujet, le triclosan est partout, y compris dans l’eau du robinet.

En juin 2017, plus de 200 scientifiques ont lancé « l’appel de Florence » pour bannir l’usage du triclosan et de ses dérivés[11].

Deux ans plus tard… rien n’a changé. Le triclosan est toujours là.

Mais il y a des moyens d’y échapper.

Faites la chasse au triclosan sur les étiquettes des produits chimiques

Le triclosan a plein de noms sous lesquels il se dissimule, parmi lesquels : Irgasan DP-300, Lexol 300, Ster-Zac, Cloxifenolum.

De même la substance triclocarban est un dérivé du triclosan.

Vous pouvez utiliser ces appellations d’emprunt pour détecter le triclosan.

Je n’ai trouvé qu’une seule liste de produits contenant du triclosan, sur le site web de l’Association suisse des médecins en faveur de l’environnement.

Vous y retrouverez des produits très courants, tels que les dentifrices de marque Colgate ou des crèmes Avène[12].

Voici le lien pour la consulter : http://www.aefu.ch/themen/chemikalien/triclosan/interdire/produits/?L=1

Optez pour des produits naturels et organiques

Les méfaits du triclosan étant confirmés par de nombreuses études, j’ai tendance à espérer que cette substance va devenir de plus en plus rare.

Mais en attendant… je vous recommande la plus grande vigilance.

Mon meilleur conseil ne vous étonnera pas : choisir, autant que possible, vos produits ménagers et cosmétiques en boutiques et coopératives bio (La Vie Claire, Les Nouveaux Robinson, Biocoop, etc.). Et regarder attentivement les étiquettes pour tout le reste. Je sais bien que ce n’est pas facile, mais c’est une première prise de conscience !

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] Kim (S. A.) et al., « Bactericidal effects of triclosan in soap both in vitro and in vivo », Journal of Antimicrobial Chemotherapy, décembre 2015, vol. 70, no 12, pp. 3345-3352, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1093/jac/dkv275

[2] Moss (T.) et al., « Percutaneous penetration and dermal metabolism of triclosan (2,4,4′-trichloro-2′-hydroxydiphenyl ether) », Food and Chemical Toxicology, avril 2000, vol. 38, no 4, pp. 361-370, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/s0278-6915(99)00164-7

[3] « Le triclosan : plus près qu’on ne pense », ECOSCOPE, 2014, consulté en novembre 2019, disponible sur http://www.aefu.ch/fileadmin/user_upload/aefu-data/b_documents/oekoskop/ecoscope/Ecoscope_2014.pdf

[4] Pycke (B. F. G.) et al., « Human fetal exposure to triclosan and triclocarban in an urban population from Brooklyn, New York », Environmental Science & Technology, août 2014, vol. 48, no 15, pp. 8831-8, consulté en novembre 2019, disponible sur https://dx.doi.org/10.1021%2Fes501100w

[5] Jackson-Browne (M. S.), « Identifying Vulnerable Periods of Neurotoxicity to Triclosan Exposure in Children », Environmental Health Perspectives, 2 mai 2018, vol. 126, no 5, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1289/EHP2777

[6] Yang (H.) et al., « A common antimicrobial additive increases colonic inflammation and colitis-associated colon tumorigenesis in mice », Science Translational Medicine, 30 mai 2018, vol. 10, no 443, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1126/scitranslmed.aan4116

[7] « Le triclosan », Sabotage hormonal, consulté en novembre 2019, disponible sur http://benhur.teluq.uquebec.ca/SPIP/pe/spip.php?article46

[8] Sicherer (S. H.) et al., « Advances in allergic skin disease, anaphylaxis, and hypersensitivity reactions to foods, drugs, and insects in 2012 », Journal of Allergy and Clinical Immunology, janvier 2013, vol. 131, no 1, pp. 55–66., consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/j.jaci.2012.11.007

[9] Bhutani (T.) et Jacob (S.), « Triclosan: A Potential Allergen in Suture-Line Allergic Contact Dermatitis ». Dermatologic Surgery, mai 2009, vol. 35, no 5, pp. 888–89, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1111/j.1524-4725.2009.01151.x

[10] Westfall (C.) et al., « The Widely Used Antimicrobial Triclosan Induces High Levels of Antibiotic Tolerance In Vitro and Reduces Antibiotic Efficacy up to 100-Fold In Vivo », Antimicrobial Agents and Chemotherapy, consulté en novembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1128/AAC.02312-18

[11] « Le triclosan : l’appel de Florence », Association santé environnement France, consulté en novembre 2019, disponible sur http://www.asef-asso.fr/actualite/le-triclosan-lappel-de-florence/

[12] « Produits au triclosan (selon les déclarations, sélection) et produits qui ne contiennent plus de triclosan, notamment grâce à MfE/PP », Association suisse des médecins en faveur de l’environnement, consulté en novembre 2019, disponible sur http://www.aefu.ch/themen/chemikalien/triclosan/interdire/produits/?L=1