Chers amis,

Au milieu des années 1950, arrivé depuis peu à Hong-Kong, l’écrivain Joseph Kessel remarque une étrange tour qui se détache du panorama du port.

Un ami, Harry Ling, qui lui sert de guide, lui apprend qu’il s’agit de la pagode du Baume du tigre.

Tous deux se mettent alors à visiter le parc de la Pagode, qui relève aux yeux de Kessel « d’un cauchemar burlesque et monstrueux »[1].

L’écrivain découvre en effet un jardin labyrinthique peuplé de statues représentant femmes lascives et bêtes sauvages, divinités grotesques et monstres grimaçants, démons et dragons…

« C’était un chaos, un enfer, un panthéon, un pandémonium, une mythologie de cauchemar. Tout y faisait songer aux fruits de la fièvre, du délire de la démence.

            « Quel était le visionnaire malade, le prophète insensé qui avait défriché ce roc, planté ces centaines d’arbres et de massifs fleuris, bâti toutes ces marches, ces habitations et les avait patiemment, amoureusement peuplées de tant d’images affreuses et grotesques ? Et de quelle fortune prodigieuse disposait-il pour avoir édifié tout cela ?[2] »

La Pagode du Baume du Tigre en 1967 (photo Roger W)

Ce « visionnaire malade » et ce « prophète insensé », c’était Aw Boon Haw, l’homme derrière le succès du Baume du Tigre, un onguent « destiné à guérir (…) maux de tête et de foie, rhumatismes et fièvres et bien d’autres infortunes encore. (…) Il n’est pas un homme, femme ou enfant chinois qui soit né en Chine, Malaisie, Polynésie, Birmanie ou Indochine, qui n’en connaisse le nom et ne s’en soit servi au moins une fois.

  • Mais dans tout cela, que vient faire la pagode ? m’écriai-je.
  • Remerciement au ciel, dit Harry Ling… Et publicité… [3]»

L’incroyable destin d’un remède de village

Aw Boon Haw était le fils d’un herboriste chinois émigré en Birmanie.

Parmi tous les remèdes que son père préparait dans son arrière-boutique, il y avait un onguent qui donnait des résultats vraiment spectaculaires contre les migraines, les rhumes, les courbatures… mais dont la renommée ne dépassait pas le village.

Aw Boon Haw était plus un homme d’affaire dans l’âme que son père herboriste, qui avait inventé ce remède : il lui donna un nom qui claque – le Baume du Tigre – puis le mit en boîte, qu’il vendit aux Chinois de Singapour.

Le remède étant vite reconnu pour son efficacité, il se vendit bien : Aw Boon Haw employa les premiers bénéfices à… la publicité.

Dès lors, le Baume du Tigre gagna la Malaisie, le Siam, et finalement toute l’Asie. Aw Boon Haw se fixa à Hong-Kong et, de là, fit du Baume du Tigre un remède très populaire en Chine.

Pour la petite histoire, la majeure partie des jardins kitsch que Joseph Kessel découvrit avec effarement en 1955 furent détruits en 2004 pour laisser place à des tours résidentielles.

Mais le Baume du Tigre, lui, existe toujours et règne sans partage sur le marché des antidouleurs naturels efficaces, relativement bon marché (comptez dix euros max pour un pot) et faciles d’usage : c’est un incroyable condensé de principes actifs.

Il existe sous plusieurs formes (je reviens sur ce point dans un instant) ; je l’ai encore utilisé il y a deux semaines au moment où je commençais à m’enrhumer : j’ai appliqué du Baume du Tigre blanc sur les arêtes de mon nez et sur ma poitrine.

L’effet décongestionnant et rafraîchissant est puissant.

Comment bien choisir son Baume du Tigre

Aujourd’hui encore, il n’existe qu’une seule et unique marque « véridique » du Baume du Tigre : Haw Par Corporation, héritière de Aw Boon Haw et dont le siège social est situé à Singapour.

Vous trouverez le baume du tigre dans la plupart des pharmacies, parapharmacies et magasins bio. Évitez autant que possible de commander votre produit sur Internet, où les contrefaçons sont les plus nombreuses, en provenance notamment de Thaïlande.

Vérifiez sur le pot la mention « tiger balm » et la provenance « société Haw Par Corporation Ltd ». Sur les étiquettes des contrefaçons vous trouverez en provenance « Thaïlande » ou « Inde » et la mention « tiger » au lieu de « tiger balm ».

Voici ce qu’il faut savoir pour bien le choisir – ces conseils sont tirés de la revue Alternatif Bien-Être.

Sur votre produit, la liste des ingrédients (en anglais) doit être la suivante :

  • Camphor : le camphre provoque des sensations chaudes et froides sur la peau et augmente le flux sanguin ;
  • Menthol : fabriqué à partir d’huile de menthe, le menthol provoque une constriction des muscles et des vaisseaux sanguins, ce qui réduit la douleur ;
  • Cajuput oill’essence de cajeput est utilisée pour son action tonique cutanée et ses vertus décongestionnantes au niveau veineux ;
  • Clove oil : l’essence de clou de girofle est utilisée pour son action anesthésiante et anti-infectieuse;
  • Cassia oil ou eucalyptus oil : l’essence de cannelle est utilisée pour le baume rouge qui provient de l’écorce de la plante Cinnamomum cassia et l’essence d’eucalyptus pour le baume blanc ;
  • Paraffin: la paraffine permet de fixer l’onguent et donner au baume son aspect crémeux.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet