Chers amis,

La semaine dernière l’AFP s’est faite l’écho d’une étude environnementale en communiquant ce titre effrayant, repris par plusieurs médias :

« Manger un poisson aux États-Unis revient à boire de l’eau contaminée aux polluants « éternels » pendant un mois.[1] » 

On éprouve un frisson de dégoût en lisant une telle phrase. 

Mais quels sont ces « polluants éternels » ? 

Conçus pour durer

Dans les années 1940, l’industrie a développé des produits composés chimiques capables de résister à l’eau et à la chaleur – bref, « indestructibles ».

Ces substances, nommées per- et polyfluoroalkylées (abrégé en PFAS) rentrent notamment dans la composition de revêtements anti-adhérents comme le téflon, de textiles ou d’emballages alimentaires imperméables.

Leur production et leur emploi à grande échelle depuis plus de 80 ans font qu’ils se sont accumulés dans l’environnement : l’air, la terre, l’eau douce des lacs et des rivières.

Ces composés chimiques, qui ne se dégradent quasiment pas naturellement, se retrouvent donc avec le temps partout

Sur la santé humaine, ils sont associés à une hausse du risque de développer des problèmes hépatiques, cardiovasculaires, immunitaires ainsi que certains cancers. 

L’étude publiée la semaine dernière démontre que ces PFAS se retrouvent à des concentrations excédant largement les seuils considérés comme inoffensifs dans la chair de poissons sauvages pêchés en Caroline du Sud (États-Unis)[2].

Il y en avait 278 fois plus dans ces poissons que dans des poissons d’élevage !

Le problème ne touche évidemment pas que les États-Unis : il concerne également les lacs et les rivières suisses[3], et, en France, au moins le Rhône, dont l’ARS déconseille depuis octobre 2022 de consommer les poissons pour leur forte concentration en PFAS[4].

Peut-on encore manger du poisson ?

Nous devons nous y faire : la pollution liée à l’industrie humaine a contaminé de manière globale l’eau, l’air, les plantes, les animaux.

Nous en ingérons donc en permanence, que nous le voulions ou non.

Vous avez peut-être vu passer il y a à peine 6 mois cette information selon laquelle l’eau de pluie, partout dans le monde (même en Antarctique) serait impropre à la consommation, tant elle est désormais chargée en polluants, en particulier ces fameux PFAS[5].

Pour en revenir aux poissons, le problème de la pollution aux métaux lourds est connue depuis longtemps – nous y avions d’ailleurs consacré un large dossier dans Alternatif Bien-Être.

Prenez le saumon : désormais, le saumon d’élevage est considéré comme moins chargés en substances toxiques (mercure, PCB) que le saumon sauvage[6].

En fonction des zones de pêche, ces poissons peuvent présenter des concentrations en composés nocifs ahurissants.

Faut-il pour autant arrêter de manger du poisson ?

Non, tout comme nous ne nous arrêtons pas de respirer bien que l’air soit lui-même pollué (le concept « d’air pur » devenant une douce utopie).

D’une part, la consommation de poisson continue à présenter de nombreux bienfaits pour la santé, grâce entre autres à leur teneur en acides gras oméga-3. 

D’autre part, nous savons quoi faire pour limiter l’ingestion des métaux lourds et des PFAS quand on consomme du poisson.

Dans l’étude publiée la semaine dernière, les poissons qui ont présenté les plus forts faux de pollution aux PFAS étaient le tambour croca, la courbine, la truite, l’ombrine tachetée et le flet (un poisson ressemblant au carrelet).

Autrement dit : de gros poissons, plus en haut qu’en bas de la chaîne alimentaire.

Et l’on sait, effectivement, que les poissons les plus chargés en polluants sont l’espadon et le thon rouge. 

Ça ne signifie pas qu’il faut cesser d’en manger… Mais qu’il faut en manger le plus rarement possible. Et, surtout, qu’il faut leur préférer de petits poissons, en bas de la chaîne alimentaire, comme les sardines, ou les anchois.

Ce qui est « naturel » n’est pas toujours sain

Pour le reste, je suis comme vous : je suis atterré par les taux de contamination des poissons dits « sauvages ».

Nous en sommes arrivés à un tel niveau de dégradation environnementale que pêcher son propre poisson peut être plus dangereux pour la santé que de l’acheter au supermarché, en vérifiant son traçage !

Les élevages aux conditions de contrôle les plus strictes sont en effet sans doute aujourd’hui de meilleurs garants de la qualité du poisson que la pêche.

Nous pouvons avoir la nostalgie de l’homme du paléolithique, chassant et cueillant lui-même une nourriture saine et nourrissante.

Mais c’est désormais une image d’Épinal de plus en plus déconnectée de la réalité : manger ce que l’on pêche ou cueille soi-même n’est pas forcément synonyme de meilleure qualité et de moindre toxicité, pour la simple raison qu’il est très difficile, sinon impossible, de connaître la composition exacte de l’eau ou de la terre ayant porté ces aliments.

Une note malgré tout optimiste pour terminer : l’être humain est depuis longtemps confronté à des substances nocives pour la santé. Ce sont les PFAS et les perturbateurs endocriniens aujourd’hui, c’étaient le plomb et l’amiante hier.

Y être exposé ne signifie pas nécessairement en souffrir voire en mourir : comme tout, c’est la dose qui fait le poison. Vous n’échapperez pas à ces polluants – je le répète, ils sont partout – mais vous pouvez limiter votre exposition par des moyens simples, de bon sens, comme ceux que je vous ai donné ici.

Et ce qui garantit la résistance de votre santé à ces polluants c’est aussi, tout simplement, votre hygiène de vie.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] « Manger un poisson aux Etats-Unis revient à boire de l’eau contaminée pendant un mois », 17 janvier 2023, France 24 (avec AFP), https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20230117-manger-un-poisson-aux-etats-unis-revient-à-boire-de-l-eau-contaminée-pendant-un-mois

[2] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935119300222#s0085

[3] « En Suisse aussi, manger un poisson d’eau douce revient à boire de l’eau polluée pendant un mois », RTS, 18 janvier 2023, https://www.rts.ch/info/regions/13711226-en-suisse-aussi-manger-un-poisson-deau-douce-revient-a-boire-de-leau-polluee-pendant-un-mois.html

[4] Emilie Rosso, « Perfluorés : les poissons du Rhône contaminés à ces « polluants éternels », l’ARS déconseille de les consommer », France 3, 21 octobre 2022

[5] Mathieu Viviani, « Sur Terre, l’eau de pluie serait partout impropre à la consommation », Les Echos, 13 août 2022

[6] Cassandre Jalliffier, « Voilà pourquoi il ne faut pas forcément privilégier le saumon sauvage au saumon d’élevage », 750g, 15 mars 2022