Chers amis,

Je partage avec vous ces quelques lignes tirées d’un livre d’Olivier de Kersauson, Promenades en bord de mer et étonnements heureux :

« Le jour où je vais disparaître, j’aurai été poli avec la vie car je l’aurai bien aimée et beaucoup respectée. Je n’ai jamais considéré comme chose négligeable l’odeur des lilas, le bruit du vent dans les feuilles, le bruit du ressac sur le sable lorsque la mer est calme, le clapotis. Tous ces moments que nous donne la nature, je les ai aimés, chéris, choyés. Je suis poli, voilà. Ils font partie de mes promenades et de mes étonnements heureux sans cesse renouvelés. Le passé c’est bien, mais l’exaltation du présent, c’est une façon de se tenir, un devoir. Dans notre civilisation, on maltraite le présent, on est sans cesse tendu vers ce que l’on voudrait avoir, on ne s’émerveille plus de ce que l’on a. On se plaint de ce que l’on voudrait avoir. Drôle de mentalité ! Se contenter, ce n’est pas péjoratif. Revenir au bonheur de ce que l’on a, c’est un savoir vivre[1]. »

Je trouve que c’est une chose très belle, et très vraie, que le marin a écrit là.

« Choyer ces moments que nous donne la nature » ! C’est tellement évident… et pourtant parfois si difficile, à certains moments de la vie, pour certains d’entre nous.

« Carnet de gratitude » contre « Cahier des charges »

De plus en plus de livres, de journaux et de philosophes médiatiques, nous expliquent qu’il faut être plus heureux, et comment y parvenir.  

Ils prétendent nous inculquer « comment être heureux », comment réussir sa vie, comment trouver un sens à son existence…

Personnellement… je trouve toutes ces injonctions très angoissantes !

Ça me laisse l’impression désagréable que le bonheur serait un cahier des charges à remplir.

Je suis plus touché par ce qu’écrit un Olivier de Kersauson, qui ne prétend pas se donner en exemple, mais raconte simplement ces petites choses de la vie qu’il aime, et qu’il chérit.

S’attarder sur ces instants est déjà un premier pas pour se sortir la tête et le cœur des soucis et des idées noires.

Il n’y a pas grand’ chose à faire, sinon être attentif, être plus à l’écoute, à ce qui nous fait plaisir, nous fait du bien, tout simplement.

Je vais vous confier un petit « truc » très simple, et qui fonctionne, pour donner toute la place qu’ils méritent à ces instants qui nous rendent heureux, même fugacement : c’est le « carnet de gratitude ».

J’en remplis un depuis peu.

Tout ce qu’un carnet un stylo peuvent pour vous

C’est Robert A. Emmons, professeur de psychologie à l’université de Davis en Californie, qui m’en a donné l’idée.

Il a demandé à plusieurs centaines de personnes d’écrire chaque semaine TOUT ce pour quoi ils étaient reconnaissants, dans un journal. Avec son équipe, il a découvert à quel point cela apportait des bienfaits, au niveau psychologique, physique et social.

Ceux qui tenaient un carnet de gratitude exprimaient plus de sentiments positifs, comme l’enthousiasme. Ils affirmaient mieux dormir, tombaient moins malade et étaient plus attentif aux situations dans lesquelles ils pouvaient se rendre utiles[2].

Ces personnes « reconnaissantes » se remettaient aussi plus rapidement d’un traumatisme ou d’une souffrance que les autres. Et elles étaient moins stressées dans différentes situations.

Chasser les idées noires

Si vous avez tendance à tout voir en noir, que ce soit en permanence ou seulement par période, tenir ce carnet peut vous aider à prendre conscience de ce qui va bien.

Pour ma part, cela m’a aidé à y voir plus clair, à faire le tri dans mes pensées.

Il est agréable de se remémorer tout ce qui nous a plu, fait sourire, dans une journée.

Cela m’invite à mieux les reconnaître ensuite, à les cultiver – à les provoquer, même !

Et c’est tellement simple, et universel, que c’est à la portée de chacun.

Tout le monde peut le faire facilement et rapidement !

Dans un premier temps, choisissez-vous un petit carnet de notes. Un carnet qui vous plaira, évidemment, qui vous donne envie de l’ouvrir souvent, pour écrire dedans, mais aussi pour relire ce que vous avez écrit.

Choisissez-le solide, et petit, car vous l’aurez souvent sur vous.

Consacrez un moment dans votre journée, de préférence, le soir avant de vous coucher, pour vous remémorer et y noter :

  • ce qui vous est arrivé de bien aujourd’hui ;
  • ce qui vous a procuré de la joie, de l’étonnement, de la détente, du rire !
  • ce que vous avez fait et dont vous retirez un sentiment d’accomplissement, de gratitude ;
  • la satisfaction et le plaisir que vous avez éprouvé en faisant plaisir à quelqu’un ;
  • les choses agréables que vous avez vues, entendues, goûtées, touchées ou senties : un bon repas, une fleur, le chant d’un oiseau !
  • ce qui vous a procuré du bien-être.

Il n’y a pas d’autres règle que de consigner exclusivement, dans ce petit carnet, des choses « positives ».

Si possible, adonnez-vous à cet exercice chaque jour – même les « mauvais jours ».

La gratitude va vous aider à fixer votre attention vers des choses heureuses. Vous vous rendrez compte que même une mauvaise journée apporte son lot de belles choses.

Les petits bonheurs du quotidien sont innombrables, et cette habitude nous incite à prendre le temps de les remarquer.

Pour vous aider à débuter, voici quelques pistes mais vous allez trouver votre propre voie, j’en suis sûr :

  • Aujourd’hui, je suis venu à pieds au travail, empruntant un petit bout de chemin dans une forêt éclatante de vert ;
  • Aujourd’hui, la radio a diffusé un morceau très rare de la musique d’un film que j’aime beaucoup ;
  • Aujourd’hui, j’ai payé des pizzas à quelques collègues qui étaient restés plus tard que d’habitude au bureau avec moi ;
  • Aujourd’hui j’ai progressé dans un exercice que mon physiothérapeute m’a prescrit pour la rééducation de mon genou ;
  • Aujourd’hui, j’ai ri en lisant au cours d’une pause les premières pages d’une bande dessinée (Une quête intérieure tout en extérieur, histoire de ne pas salir chez soi, si vous voulez tout savoir) ;
  • Aujourd’hui je vous ai écrit cette lettre qui, j’en suis sûr, saura inspirer plusieurs d’entre vous.

Si parfois l’envie d’écrire vous bloque, pas de panique. Relisez alors vos notes des jours précédents. Cela vous permettra de vous remémorez des moments agréables et de vous remettre sur la voie. Et puis cela stimulera votre bonne humeur, déjà.

Si vous vous lancez dans l’expérience, je serais heureux que vous m’écriviez dans 10 jours pour me dire comment ça s’est passé !

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Olivier de Kersauson, Promenades en bord de mer et étonnements heureux, Le Cherche-Midi, Paris, 2016, pp.9-10

[2] https://greatergood.berkeley.edu/pdfs/GratitudePDFs/6Emmons-BlessingsBurdens.pdf