Chère lectrice, cher lecteur, 

Un soir de mars 1952, Efim Smirnov, ministre de la Santé de Staline, entend toquer à la porte de son bureau. 

Il est intrigué. Il est tard, tout le monde est parti à part lui ; il avait des dernières lettres à signer. Qui cela peut-il être ? 

Entre timidement un médecin de l’hôpital de Moscou nommé Yuri Nikolaev. Il n’a pas pris rendez-vous. 


Le docteur Yuri Nikolaev, pionnier du jeûne thérapeutique en Russie. 

Le ministre s’irrite : comment cet inconnu ose-t-il se présenter, tard le soir et sans s’être annoncé, devant celui qui a été le médecin-chef de l’Armée Rouge ? 

Nikolaev se confond en excuses. Personne dans l’hôpital qui l’emploie ne veut l’écouter. Il supplie du ministre qu’il lui accorde cinq minutes de son temps, après quoi il partira. 

Le ministre hésite, retombe sur son fauteuil, lui fait signe de s’asseoir. 

Nikolaev raconte qu’il est tombé sur des livres américains sur le jeûne, notamment The Fasting Cure d’Upton Sinclair et qu’il « tient » quelque chose. 


The Fasting Cure, d’Upton Sinclair, paru en 1911, livre phare sur le jeûne thérapeutique. Les thèses de Sinclair seront enterrées par le Conseil des médecins aux Etats-Unis. 

Il jeûne lui-même depuis des années et n’est jamais malade. Il a commencé à faire jeûner des patients avec succès : il vient de réussir à guérir complètement un schizophrène réputé incurable grâce à un jeûne d’un mois. 

Nikolaev réclame de l’aide pour développer ses recherches. Guérir par le jeûne serait une avancée majeure, que les Américains ont stupidement abandonnée trente ans auparavant, sous l’influence de lobbys pharmaceutiques trop puissants. 

Le ministre Smirnov réfléchit. 

En militaire qu’il est : en pleine guerre froide, savoir si la privation de nourriture peut améliorer la santé des troupes serait intéressant. 

Et si ce médecin arrive à prouver les bienfaits thérapeutiques du jeûne, c’est le prestige de la recherche soviétique qui en bénéficiera. Il demande à réfléchir.

7000 personnes traitées par le jeûne en 20 ans

Le lendemain, Nikolaev reçoit la nouvelle : on lui accorde un département complet de traitement par le jeûne, de 25 lits, dans un établissement thermal de Moscou. 

Cette anecdote est racontée par Thierry de Lestrade dans son livre Le jeûne, une nouvelle thérapie paru en 2015 (éd. La Découverte). 

Un an plus tard, Nikolaev reçoit le soutien du maréchal Boulganine, le bras droit de Khrouchtchev. 

C’est la consécration et le début d’une passionnante épopée thérapeutique. 


La Santé par le jeûne, somme des travaux de Nikolaev, fut un immense succès de librairie paru en 1973, jamais traduit. A gauche, Nikolaev au moment de la sortie du livre. 

A sa mort Nikolaev aura soigné plus de 7000 personnes en 20 années, grâce à des jeûnes de 15 à 30 jours. 

Ses patients étaient atteints de dizaines de maladies différentes : maladies psychiatriques en majorité mais aussi dermatites, obésité, néphrites, hypertension, accidents vasculaires-cérébraux. 

Toutes ces guérisons fournissent la base de son livre La Santé par le jeûne, en 1973. Ce livre est un best-seller en Union Soviétique. 

Quelques mois après sa sortie, Brejnev officialise le jeûne comme méthode thérapeutique, dans toute l’URSS.

La mystérieuse clinique du lac Baïkal où l’on vient pour rajeunir

Depuis ce jour le jeûne est remboursé par la Sécurité Sociale en Russie. 

Vous avez sans doute eu connaissance de la mystérieuse clinique Goryachinsk, sur les rives du lac Baïkal en Sibérie. 


Le lac Baïkal en Sibérie est la plus grande réserve d’eau douce du monde. C’est sur ses rives que se trouve la clinique Goryanchinsk qui pratique depuis les années 1950 le jeûne thérapeutique. Elle a été popularisée en Occident depuis le documentaire sur ARTE « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? » de Thierry de Lestrade. 

Les dignitaires soviétiques y suivaient depuis les années 1950 de mystérieuses cures de rajeunissement. 

Aujourd’hui, la clinique Goryachinsk accueille des gens du monde entier. 

On y pratique le jeûne thérapeutique. 

Elle est devenue particulièrement populaire depuis que la chaîne de télévision franco-allemande ARTE a fait connaître au grand public ses incroyables résultats contre les allergies, la fatigue, le vieillissement, les maladies cardiaques, la dépression, l’obésité. 

Ce genre de cliniques existe aux quatre coins de la Russie. 

Mais pas seulement. 

En Espagne, en Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis, de semblables cliniques de jeûne ouvrent chaque année. 

On estime que 17% des Allemands jeûnent chaque année. 

Savez-vous quel est le même pourcentage estimé pour la France ? 

C’est 0,17%. 

Cent fois moins… 

Alors… encore un effort chères autorités de santé françaises, nous avons un beau retard à rattraper sur nos voisins ! 

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet