Chers amis,

À mesure que le pic de l’épidémie s’éloigne dans la plupart des pays européens (avant une deuxième vague ?), on commence à avoir du recul sur les séquelles possibles du Covid-19.

Je vais y revenir, mais cela concerne aussi bien ceux qui ont été contaminés et n’ont eu aucun symptôme que ceux qui ont été malades et ont guéri.

Ces séquelles peuvent être de trois ordres :

  • cardiaques ;
  • nerveuses et cérébrales ;
  • respiratoires.

La majorité de ces séquelles ne sont pas dues au virus lui-même, mais à l’intense réaction inflammatoire qu’une détresse respiratoire aiguë provoque.

Cette réaction porte un nom : le syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS). C’est une cascade de réponses inflammatoires qui peuvent endommager différents organes.

Mais certaines séquelles dues au virus lui-même pourraient passer sous les radars, vous allez le voir.

Séquelles cardiaques

L’inflammation provoquée par les cas sévères du Covid-19 affecterait le cœur, et plus précisément le myocarde.

Une revue d’études de la revue JAMA[1] relève que l’autopsie de plusieurs patients décédés a révélé une infiltration du myocarde par des cellules inflammatoires.

Ces méfaits de l’inflammation sur le système cardiaque expliqueraient en grande partie pourquoi les personnes déjà malades du cœur (ce qu’on appelle la « comorbidité ») figurent parmi les patients les plus gravement touchés par le Covid-19.

Certains patients considérés comme guéris ont ainsi développé une myocardite, une inflammation touchant la contraction des ventricules du cœur, provoquant fièvre, fatigue, palpitations et douleurs thoraciques[2].

Cette maladie est une séquelle connue d’infections bactériennes et virales, et il n’est pas très étonnant de la compter parmi les séquelles du coronavirus.

On guérit d’une myocardite souvent spontanément, mais cette séquelle demande beaucoup de surveillance, de la rééducation et de la prudence.

Séquelles nerveuses et cérébrales

Vous avez très probablement entendu parler de ces symptômes étranges du Covid-19 : perte du goût, perte de l’odorat… Moi-même je vous en parlais dans ma lettre « 7 faits troublants autour du Covid-19 ».

Ces symptômes suggèrent une atteinte du système nerveux central lors de la contraction de la maladie, mais aussi une atteinte du cerveau.

En décembre dernier, une étude publiée dans Viruses évoquait la possibilité, pour les coronavirus humains, d’envahir le système nerveux central en passant par le nerf olfactif[3].

Est-ce ce qui est en train de se produire chez plusieurs patients ? C’est possible. Mais là encore, la réaction inflammatoire joue un rôle.

Des médecins ont constaté des phases de délire durant des phases de réanimation, et suspectent dans Science que le syndrome de détresse respiratoire aiguë pourrait en effet « directement infiltrer et endommager le cerveau[4] ».

En réduisant gravement l’afflux de sang au cerveau, et donc en le privant d’oxygène, la maladie est suspectée de tuer des neurones.

Séquelles pulmonaires

Les séquelles pulmonaires sont un classique des séquelles de maladies respiratoires ; et en particulier la fibrose pulmonaire.

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë peut (quand il ne conduit pas à la mort du malade) causer des lésions dans les poumons. Pour guérir de ces lésions, le poumon fabrique des tissus conjonctifs fibreux. Quand ces tissus fibreux réparateurs sont en excès, ils peuvent finir par obstruer le poumon. C’est ça, la fibrose pulmonaire.

Les conséquences sont évidentes : des difficultés à respirer (dyspnée), un essoufflement plus rapide, voire une insuffisance respiratoire grave.

Dans une vidéo publiée cette semaine sur le compte YouTube de l’IHU Méditerranée-infection, le Professeur Didier Raoult a « lâché » trois informations importantes[5].

1 – Les personnes considérées comme « guéries » du Covid-19 sont nombreuses à présenter des poumons très endommagés par la réponse inflammatoire du corps au virus. Cela concernerait 10 % des patients, qui garderont des difficultés respiratoires toute leur vie.

2 – Même des personnes atteintes par le Covid-19 qui ne présentaient pas de symptômes, ou bien uniquement des symptômes légers (comme la perte de goût) présentaient un début de fibrose pulmonaire sur des scanners. Cela a été constaté sur de jeunes adultes et des adolescents, toujours selon le Pr Raoult.

3 – Dans ce dernier cas – fibrose pulmonaire précoce en l’absence d’autres symptômes inquiétants – ce ne serait pas la réponse inflammatoire qui serait en cause, mais bien le virus lui-même.

Autrement dit : même en l’absence de symptôme inquiétant, même en l’absence de « cascade inflammatoire », le Covid-19 s’attaquerait à nos poumons.

Cette dernière information est troublante et doit nous rendre vigilants.

Car ces « malades à retardement » du Covid-19, nul ne peut en prédire le nombre exact.

L’importance d’un dépistage massif

Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous avez compris qu’il n’y a pas que les « cas sévères » de Covid-19 qui risquent de se retrouver avec des séquelles au quotidien. Des séquelles inquiétantes guettent aussi les personnes asymptomatiques et les personnes à symptômes « peu inquiétants ».

J’y vois, pour ma part, un argument de plus pour ne pas réserver le dépistage du Covid-19 aux seules personnes présentant des symptômes purs et durs, mais au contraire pour l’ouvrir à l’ensemble de la population.

Un diagnostic positif au Covid-19 devrait en effet conduire à faire des examens respiratoires complémentaires : la fibrose pulmonaire peut être limitée si elle est prise en charge à temps.

Évidemment, cela ne sera possible que lorsque l’on disposera de suffisamment de tests… et qu’ils seront suffisamment performants.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] MADJID M, Safavi-Naeini P, Solomon SD, Vardeny O. Potential Effects of Coronaviruses on the Cardiovascular System: A Review. JAMA Cardiol. Published online March 27, 2020. doi:10.1001/jamacardio.2020.1286, disponible ici : https://jamanetwork.com/journals/jamacardiology/fullarticle/2763846

[2] Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), « myocardite » sur chuv.ch, mis à jour le 4 mai 2018, consulté le 1 mai 2020 et disponible ici : https://www.chuv.ch/fr/cardiologie/car-home/patients-et-famille/maladies-traitees/affections-du-myocarde-et-du-pericarde/myocardite/

[3] DESFORGES M, et al., Human Coronaviruses and Other Respiratory Viruses: Underestimated Opportunistic Pathogens of the Central Nervous System?, 2019 Dec, Viruses 20;12(1). pii: E14. doi: 10.3390/v12010014, disponible sur ce lien :

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31861926

[4] SERVICK Kelly, « For survivors of severe COVID-19, beating the virus is just the beginning », 8 avril 2020 sur sciencemag.com, consulté le 1 mai 2020 et disponible ici :

https://www.sciencemag.org/news/2020/04/survivors-severe-covid-19-beating-virus-just-beginning#

[5] IHU Méditérannée Infection, « Point sur l’épidémie : risque-t-on une deuxième vague ? », le 29 avril 2020 sur YouTube, visionnée le 1 mai 2020 et disponible ici : https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=FcvDi6tjldk&feature=emb_title