Chers amis,

L’hypertension artérielle fait partie de ces problèmes de santé très bien identifiés par la population, mais autour desquels gravitent quelques idées reçues… plus ou moins vraies :

  • C’est un « tueur silencieux » ;
  • Pour la contrecarrer il faut manger moins de sel ;
  • Les médicaments sont inévitables.

Pourquoi le « tueur silencieux » ?

Il n’y a pas une seule hypertension artérielle.

Une bonne pression artérielle est avant tout une situation où les artères sont souples et s’adaptent aux variations de pression sanguine, permettant au cœur d’effectuer son travail de pompage sans se fatiguer.

On considère en général qu’il y a trois « façons » d’avoir une pression trop élevée :

  • Une hypertension permanente : votre tension est toujours trop élevée, ce qui peut être dû à un durcissement ou à un rétrécissement des artères (artériosclérose ou athérosclérose) ;
  • Une hypertension paroxystique : votre tension est très élevée durant quelques heures et normale par ailleurs (cela peut être dû à une prise de médicaments) ;
  • Une hypertension labile : votre tension est parfois modérément élevée puis haute à d’autres moments. Dans ce cas, la composante stress peut être fortement soupçonnée.

Une pression sanguine trop élevée abîme vos artères et les organes qu’elles irriguent, dont le cœur, les reins, le cerveau et les yeux.

Au bout d’un moment, de petites artères finissent par se rompre dans votre cœur, dans votre cerveau, dans vos yeux ou encore dans vos reins. Cela peut alors entraîner un accident vasculaire cérébral (AVC), une maladie coronaire (maladie des artères qui irriguent mal le cœur), une insuffisance cardiaque, rénale ou encore une cécité.

C’est pourquoi trop de pression dans vos artères met votre vie en danger. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé :

  • L’hypertension est, après le tabagisme, le principal facteur diminuant le nombre d’années de vie en bonne santé ;
  • 9,4 millions de morts par an sont provoquées par les complications de l’hypertension ;
  • L’hypertension est responsable d’au moins 45 % des décès par maladie cardiaque et de 51 % des décès par accident vasculaire cérébral ;
  • L’hypertension altère la fonction rénale, elle aussi très sensible aux excès de pression vasculaire.

Certains signes avant-coureurs peuvent alerter : maux de tête, bourdonnements d’oreilles, palpitations, insomnies, troubles de la vision ou sensation de mouches volantes devant les yeux, essoufflement à l’effort, saignements de nez, baisse de la libido…

Mais la plupart du temps, l’hypertension ne présente pour ainsi dire aucun symptôme. Vous pouvez vous sentir bien alors même que vous êtes hypertendu et risquer un accident vasculaire cérébral (AVC) et toutes les maladies cardiovasculaires citées plus haut.

D’où le surnom de l’hypertension : le tueur silencieux.

Ce n’est pas elle, littéralement, qui tue : c’est elle qui favorise l’apparition d’un accident ou d’une maladie pouvant en revanche conduire à la mort.

Devez-vous arrêter le sel ?

C’est la première mesure prescrite lorsque l’hypertension est identifiée : « réduisez le sel ! ».

Le problème, c’est qu’il y a sel, et sel.

Plus exactement, il y a les sels de potassium et le chlorure de sodium.

C’est ce dernier, le chlorure de sodium, qui est problématique.

Or il y a un autre problème, c’est que l’on retient uniquement « sodium » dans les mises en garde !

L’erreur est si commune… que même l’Académie de médecine la commet : en 2006, elle a rendu un rapport très médiatisé sur « la place de l’eau minérale dans l’alimentation ».

Le rapport mettait en garde contre « les eaux à forte teneur en sodium, telles Saint-Yorre, Vichy-Célestins ou Arvie, déconseillées en cas d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque ou rénale ».

Sauf que dans ces marques, le sodium est majoritairement lié au bicarbonate et non aux ions chlorures.

Lié au bicarbonate comme dans les eaux gazeuses, le sodium n’élève pas la pression artérielle et n’a aucune influence ni sur le cœur, ni sur les reins.

Les études montrent plutôt des effets bénéfiques : dans une étude de 2010 qui a duré 14 semaines, 17 personnes en bonne santé ont consommé chaque jour soit 500 mL d’une eau riche en sodium (622 mg/L) et en bicarbonates, soit la même quantité d’une eau peu minéralisée.

Il n’y a pas eu de différence entre les groupes pour ce qui est de la pression artérielle[1]. Par rapport au citrate de sodium, au bicarbonate de sodium, ou d’autres sels de sodium, seul le chlorure de sodium augmente le volume du plasma.

Il ne faut donc pas commettre l’erreur de confondre sodium et chlorure de sodium.

Mais, même en parlant de chlorure de sodium, on a tort de ne cibler que la salière.

En France comme dans d’autres pays développés, un homme avale en moyenne chaque jour 9 à 10 grammes de sel et une femme 8 à 9 grammes. 80 à 90% de ce sel est caché dans les aliments que l’industrie agro-alimentaire a mis dans nos assiettes.

Ce qui signifie que même en supprimant la salière, un Français avale 8,7 grammes de sel, et une femme 6,7 g. On n’a pas besoin de tant de sel.

Les autorités sanitaires nord-américaines ont calculé que les besoins quotidiens se situent en réalité autour de 3,8 grammes (soit 2,3 g de chlorure et 1,5 g de sodium) et qu’il ne faudrait pas dépasser 5,8 grammes par jour.

Trop de sel entraîne une augmentation du volume de liquide intravasculaire, une augmentation du volume pompé par le cœur, une élévation de la résistance périphérique et donc une augmentation de la pression artérielle.

Cette overdose de sel qui se poursuit aujourd’hui, doit beaucoup au laxisme des autorités sanitaires. Longtemps, celles-ci ont défendu l’idée que les effets du sel sur la santé sont… mineurs, avant d’appeler, sous la pression médiatique, les industriels à bien vouloir réduire la teneur en sel des aliments.

Avec des résultats ridicules.

La seule façon de contrôler votre consommation de chlorure de sodium, c’est donc… d’éviter toute nourriture industrielle – ainsi, hélas, la plupart des restaurants qui salent à outrance leurs plats.

À la maison, les aliments les plus riches en sel sont la charcuterie (saucisson sec, jambon sec), les bouillons (légumes ou viandes), les sauces et condiments mais également la morue et les anchois.

Compte tenu des habitudes alimentaires, la plus grande partie du sel consommé provient en France d’abord du pain et des biscottes, puis de la charcuterie, des condiments et sauces, des plats cuisinés, des fromages, des soupes et potages, ainsi que des quiches et pizzas.

C’est sur ces aliments qu’il faut faire porter les efforts.

Inutile de baisser le sel si vous n’augmentez pas… ces sels-ci !

Non seulement la diminution du sel fait baisser la pression artérielle, mais elle prévient l’hypertension et elle diminue le risque d’événement cardiovasculaire, surtout lorsqu’elle est associée à une consommation plus élevée de potassium.[2]

Il y a eu aussi beaucoup d’études sur le potassium et toutes montrent qu’une consommation élevée de sels de potassium est associée à une diminution de la pression artérielle.

Le potassium est d’autant plus efficace que le régime est riche en sel.

Les enquêtes alimentaires trouvent que les adultes des pays Occidentaux se procurent autour de 3 grammes de potassium par jour. Les autorités sanitaires nord-américaines estiment à 4,7 grammes par jour les besoins réels, donc la plupart des Occidentaux sont déficitaires. Moins on mange de fruits et de légumes, plus on manque de potassium.

Parmi les meilleures sources de potassium, on peut citer :

  • les épinards (840 mg pour une portion habituelle),
  • le melon (315 mg),
  • les amandes (210 mg),
  • les choux de Bruxelles (250 mg),
  • les champignons (550 mg),
  • les bananes (470 mg pour un fruit moyen),
  • les oranges (200 mg pour un petit fruit),
  • les poires (208 mg pour un fruit moyen),
  • les kiwis (252 mg pour un kiwi moyen),
  • les pamplemousses (230 mg pour un demi-fruit)
  • et les patates douces (508 mg pour une patate moyenne cuite avec sa peau).

Le soja, qui est plutôt riche en potassium, apporte aussi des isoflavones qui seraient bénéfiques pour les artères et la pression artérielle.[3]

Quant à mon troisième point évoqué au début, les médicaments… je vous en parlerai dans ma prochaine lettre.

Bon appétit et bonne santé,

Rodolphe Bacquet

[1] Santos A, Martins MJ, Guimarães JT, et al. (2019). Sodium-rich carbonated natural mineral water ingestion and blood pressure. Rev Port Cardiol. 29(2):159-72.

[2] Cook NR, Cutler JA, Obarzanek E, et al. (2007). Long term effects of dietary sodium reduction on cardiovascular disease outcomes: Observational follow-up of the trials of hypertension prevention (TOHP). BMJ. 334:885.

[3] XX Liu, SH Li, JZ Chen, et al. (2012). Effect of soy isoflavones on blood pressure: A meta-analysis of randomized controlled trials. Nutrition, Metabolism and Cardiovascular Diseases, 22(6):463-70.