Chers amis,

En cette période de fêtes vous allez manger plus que d’habitude, ainsi que des choses « exceptionnelles » et plus riches.

Tout cela met votre système digestif à rude épreuve.

Je ne vais pas jouer les trouble-fête rassurez-vous ! Et surtout pas vous conseiller de vous priver de toutes les bonnes choses que vos proches ou vous-même avez prévues sur la table du réveillon.

Mais j’aimerais vous donner ce conseil qui vous aidera à mieux digérer : bien mâcher.

La digestion commence dans la bouche

Je vous l’accorde, c’est un conseil qu’on entend souvent quand on est enfant : « mâche bien avant d’avaler ! ».

Nos parents voulaient surtout qu’on ne s’étouffe pas, ou qu’on n’avale pas de travers.

Mais ils avaient raison sans le savoir : le moment le plus important de la digestion ne se produit pas dans l’estomac ou l’intestin, mais dans la bouche !

La mastication stimule quelque 10 000 papilles gustatives à l’intérieur de notre bouche – celles-là qui nous servent à déterminer si un aliment est bon ou mauvais pour nous, ou tout simplement si nous l’apprécions.

Puis la mastication :

  • augmente la production de salive, laquelle neutralise l’acidité des aliments, protège l’émail des dents, combat les bactéries en cause dans la formation des caries et des problèmes de gencives et commence à décomposer l’amidon – les principaux glucides des féculents – en sucres simples ;
  • déclenche la production des sucs gastriques et pancréatiques, préparant la digestion ;
  • fragmente les aliments en morceaux de plus en plus petits, ce qui les rend plus « digérables » par les sucs digestifs.

Les effets étonnants d’une bonne mastication

C’est fou comme ce geste simple, fondamental – mâcher – peut entraîner comme effets opposés, selon qu’il est bien ou mal fait.

Exactement comme des dominos : pour que toute la série tombe harmonieusement, il faut pousser correctement le premier.

Le premier domino, c’est la mastication.

Moins on mâche, plus les morceaux qui tombent dans notre estomac puis dans nos intestins vont être gros.

Or, tout ce qui est trop gros sera mal ou pas assimilé, et sera la proie des bactéries intestinales, provoquant des fermentations et des putréfactions dans le ventre et, de là : troubles digestifs, ballonnements, et gaz.

À l’inverse, plus on mâche, mieux on absorbe les nutriments.

Une bonne mastication ne permet pas seulement à la digestion de mieux se dérouler : elle permet aussi et surtout de profiter du maximum de la valeur nutritive d’un aliment !

Cette bonne mastication, et donc cette bonne « exploitation » des nutriments de ce que nous mangeons est, de façon étonnante, liée à la santé musculaire, en particulier chez les séniors[1].

La mastication détermine en effet la façon dont notre corps assimile les acides aminés pour renforcer la masse musculaire.

Mastiquer longuement :

  • augmente la quantité de protéines disponibles ;
  • rend certains minéraux et certaines vitamines plus faciles à absorber (notamment les fruits et légumes crus[2]) ;
  • accroît la biodisponibilité des lipides[3].

Mâcher plus pour grossir moins

Une mastication appliquée est par ailleurs le premier pas, fondamental, pour garder la ligne. Les gens qui mastiquent longtemps leurs aliments sont plus minces que les autres, affirmaient sans hésiter des chercheurs en 2012[4].

Le mécanisme est bien connu. D’abord, le fait de mâcher libère de l’histamine et de la leptine, des neurotransmetteurs qui régulent l’appétit.

Autrement dit, le sentiment de satiété n’arrive pas plus vite (il arrive toujours quinze à vingt minutes après le début du repas), mais il arrive après que vous ayez mangé… plus lentement, et donc moins !

Ensuite, bien mâcher oblige à mettre en bouche de plus petites portions de nourriture. Résultat : 10 à 30 % de calories ingérées en moins[5]

En 2013, des chercheurs ont conclu que, sans autre facteur de risque, les personnes mangeant trop vite, sans mâcher suffisamment, avaient 2,5 fois plus de risque de développer un diabète de type 2[6].

Avaler trop vite entraînerait un pic de glycémie, le sucre passant trop vite dans le sang.

Bien mâcher, mode d’emploi

Les règles pour bien mâcher ne sont pas compliquées. Comme je le disais, c’est un geste fondamental : il s’agit donc, avant tout, de se concentrer dessus.

Cela veut dire, de ne pas mâcher en faisant autre chose : en regardant la télévision, ou même en lisant, ou en travaillant.

Prenez de petites bouchées, c’est important.

Vous concentrer sur votre mastication, sur la sensation des aliments dans votre bouche, vous permettra non seulement de mieux les apprécier, mais aussi de mieux sentir le moment où ils sont prêts à passer dans votre tube digestif :

  • quand ils sont le plus mous possible ;
  • quand ils sont bien imprégnés de salive.

Quand vous aurez avalé, et seulement après, buvez !

Excellent réveillon à vous et portez-vous bien !

Rodolphe Bacquet


[1] Rémond (D.) et al., « Postprandial whole-body protein metabolism after a meat meal is influenced by chewing efficiency in elderly subjects », The American Journal of Clinical Nutrition, mai 2007, vol. 85, no 5, pp. 1286-1292, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1093/ajcn/85.5.1286

[2] Lemmens (L.) et al., « Particle size reduction leading to cell wall rupture is more important for the β-carotene bioaccessibility of raw compared to thermally processed carrots », Journal of Agricultural and Food Chemistry, 22 décembre 2010, vol. 58, no 24, pp. 12769-76, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1021/jf102554h

[3] Cassady (B. A.) et al., « Mastication of almonds: effects of lipid bioaccessibility, appetite, and hormone response », The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 89, no 3, 1 mars 2009, p. 794-800, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.3945/ajcn.2008.26669

[4] Wijlens (A. G. M.) et al., « Effects of oral and gastric stimulation on appetite and energy intake », Obesity (Silver Spring), décembre 2012, vol. 20, no 11, pp. 2226-2232, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1038/oby.2012.131

[5] Zijlstra (N.) et al., « Effect of bite size and oral processing time of a semisolid food on satiation », The American Journal of Clinical Nutrition, août 2009, vol. 90, no 2, pp. 269-275, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.3945/ajcn.2009.27694

[6] Radzeviciene (L.), Ostrauskas (R.), « Fast eating and the risk of type 2 diabetes mellitus. A case-control study », Clinical Nutrition, avril 2013, vol. 322, no 232-235, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/j.clnu.2012.06.013 ; Hurst (Y.) et Fukuda (J.), « Effects of changes in eating speed on obesity in patients with diabetes: a secondary analysis of longitudinal health check-up data », British Medical Journal Open, février 2018, vol. 8, no 1, consulté en décembre 2019, disponible sur https://doi.org/10.1136/bmjopen-2017-019589