Chers amis,

Vous avez peut-être vu passer cette information : des chercheurs chinois ont retrouvé des traces du SRAS-CoV-2 dans le sperme de quelques patients [1].

Jusqu’ici, on n’en avait retrouvé que dans la salive, les sécrétions nasales, le sang, l’urine et les selles.

Les médias n’ont donc pas traîné pour faire leurs gros titres avec cette « découverte », sur un ton souvent sensationnaliste et alarmiste : « Arrêtez tout ! Le Covid-19 serait sexuellement transmissible ! »

Dans leur frénésie, on aurait dit qu’ils avaient perdu de vue une évidence…

Le respect des fameux gestes barrières est bien entendu impossible lors d’un rapport sexuel.

Avant une très hypothétique transmission par le sperme, deux personnes faisant l’amour ont de bien plus fortes chances de se transmettre le coronavirus par d’autres canaux plus « classiques » — échanges de salive, proximité soutenue, respirations fortes, etc.

Il revient donc à chacun d’évaluer le risque lui-même avant de décider s’il est ou non judicieux d’avoir un rapport sexuel avec son/sa partenaire.

Rappelons qu’à ce jour, aucun cas de transmission « par voie strictement sexuelle » du coronavirus n’a été répertorié.

Une étude trop limitée

Mais que dit exactement l’étude publiée le 7 mai dans le Journal of American Medical Association (JAMA) ? Et faut-il totalement l’ignorer pour autant ?

Les auteurs ont demandé à 38 patients hospitalisés pour cette maladie (et testés positifs) dans un hôpital de Chine de leur fournir un échantillon de sperme, puis ils y ont cherché le coronavirus. Résultat : son matériel génétique a été détecté dans le sperme de 6 de ces 38 hommes.

Cela ouvre une possibilité théorique à l’infection sexuelle, mais :

  • Cette étude est limitée par la petite taille de l’échantillon et le court suivi ultérieur.
  • Elle porte uniquement sur des patients hospitalisés, donc pas vraiment en mesure d’avoir un rapport sexuel. On peut supposer qu’une bonne partie d’entre eux faisaient une infection systémique, ce qui implique une présence forte et plus ou moins généralisée du virus dans tout l’organisme.
  • Il est possible que chez des hommes atteints d’une forme légère du Covid-19, ne nécessitant pas d’hospitalisation, la charge virale ne soit pas suffisante pour que le virus puisse se rendre jusque dans le sperme.
  • Une autre étude sino-américaine pré-publiée en avril dans la revue Fertility and Sterility [2] s’était posée les mêmes questions et arrivait justement à des résultats contradictoires. Les chercheurs avaient récolté des échantillons de sperme de 34 hommes ayant reçu un diagnostic de Covid-19 peu sévère. Les scientifiques n’avaient alors pas détecté de SARS-CoV-2 dans leur sperme.
  • Enfin, comme le fait remarquer le Dr Michel Alary, professeur de médecine et spécialiste des infections sexuellement transmissibles [3], ce n’est pas parce qu’on a retrouvé le virus dans le sperme de patients qu’il se transmet automatiquement lors d’un rapport sexuel ! Le coronavirus n’est capable d’infecter nos cellules qu’en s’accrochant à un récepteur particulier sur la membrane cellulaire, nommé ACE2, qui est complètement absent des cellules des muqueuses vaginales. On trouve ces récepteurs ACE2 principalement dans les voies respiratoires, ainsi que (dans une moindre mesure) dans les intestins. Cela implique qu’une relation sexuelle buccale ou anale pourrait en principe être contaminante, mais cela reste très hypothétique.

D’autres recherches sont donc nécessaires, notamment pour savoir si la présence du virus dans le sperme permet de transmettre l’infection. Mais à ce stade, cette seule étude ne devrait pas vous inquiéter.

Portez-vous bien,

Malik

[1] Diangeng Li, Meiling Jin, Pengtao Bao et al., « Clinical Characteristics and Results of Semen Tests Among Men With Coronavirus Disease 2019 », Journal of American Medical Association (JAMA), 7 mai 2020, https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2765654

[2] “No evidence of SARS-CoV-2 in semen of males recovering from COVID-19”, Fertility and Sterility, 17 avril 2020,  https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0015028220303848

[3] Jean-François Cliche, Le Soleil, « La COVID-19 peut-elle se transmettre lors d’une relation sexuelle? »,11 mai 2020, https://www.lesoleil.com/actualite/vos-questions-sur-la-covid-19/la-covid-19-peut-elle-se-transmettre-lors-dune-relation-sexuelle-ea115e4156598359831a0ab825b14355